Les groupes chinois ont déjà investi des liquidités dans plusieurs sociétés en Italie. Ils cherchent à bénéficier de la baisse de l'euro au moment où l'Europe sort du marasme économique.

En s'emparant de Pirelli, dont le siège devrait rester en Italie, ChemChina met la main sur un fabricant de pneumatiques haut de gamme susceptible de dégager des marges confortables, tout en offrant à l'italien un accès privilégié au marché chinois.

L'offre sur Pirelli, annoncée dimanche, marque le retour des entreprises publiques chinoises sur la scène internationale à la suite de l'offensive anti-corruption du président Xi Jinping qui avait pris pour cibles plusieurs responsables, passés et présents, de ces entreprises.

Surtout, elle pourrait aider la Chine, qui est déjà un acteur international de poids dans des secteurs tels que les télécoms et internet, à développer sa propre industrie automobile.

Quant à Pirelli, il serait mieux en mesure de concurrencer des groupes tels que Michelin et Continental, qui veulent se développer en Asie.

Dans un premier temps, China National Tire & Rubber (CNRC), filiale de ChemChina qui fabrique des pneumatiques, va racheter les 26,2% détenus dans Pirelli par la holding Camfin, avant de lancer une offre publique d'achat obligatoire sur les titres encore en circulation.

L'offre sera lancée par un véhicule contrôlé par le groupe chinois et dont le tour de table sera notamment composé des actionnaires de Camfin : Marco Tronchetti Provera, l'administrateur délégué (patron) de Pirelli, les banques italiennes UniCredit et Intesa Sanpaolo et le pétrolier Rosneft. Le groupe russe était jusqu'ici propriétaire de 50% de Camfin.

PROVERA RESTE AUX COMMANDES

L'offre sera faite au prix de 15 euros l'action, valorisant Pirelli à 7,1 milliards d'euros, en excluant un endettement net qui s'élevait fin 2014 à près d'un milliard d'euros. CNRC envisage de radier Pirelli de la cote.

L'action Pirelli gagnait 1,58% à 15,47 vers 15h30 lundi en Bourse de Milan, au-dessus du prix offert, ce qui incite certains traders à dire que ChemChina devra peut-être relever son offre pour remporter l'adhésion des actionnaires du groupe italien.

Dès vendredi, les rumeurs d'un rachat de Pirelli avaient fait s'envoler le titre à un pic de 15,81 euros.

La presse italienne a évoqué la possibilité d'une contre-offre des grands concurrents européens de Pirelli, comme Michelin ou Continental, ce qui pourrait également faire grimper le cours, même si certains analystes se montrent sceptiques.

"Une contre-offre de fabricants occidentaux de pneus est peu probable (obstacles antitrust, intérêt stratégique limité) mais l'accord devrait tout de même bouleverser considérablement le secteur", estiment les anlaystes de Natixis dans une note.

Vendredi, on rapportait de sources proches du dossier que l'accord passé avec le groupe chinois permettrait à Rosneft, qui est sous le coup de sanctions internationales pour son rôle dans la crise ukrainienne et a besoin de réduire son endettement, de réduire sa part dans Pirelli.

Selon son communiqué publié dimanche, Camfin précise que l'activité de Pirelli dans les pneus industriels et les pneus de camion, moins rentable, sera intégrée à la filiale Aeolus de ChemChina, ce qui lui permettra de doubler sa production (de six à 12 millions de pneus).

Les nouveaux propriétaires chinois de Pirelli choisiront un nouveau président. Marco Tronchetti Provera, qui a rejoint Pirelli en 1986 après avoir épousé une fille de la famille italienne fondatrice de la société, restera administrateur délégué, précise le communiqué publié dimanche.

Parmi les précédentes acquisitions chinoises en Italie, figurent des participations dans les sociétés de transport de l'électricité Terra et Snam, dans le fabricant de turbines Ansaldo et dans le fabricant de yachts Ferretti.

Hors secteur financier, l'Italie est le deuxième marché des acquisitions pour la Chine en Europe et le cinquième dans le monde, avec 10 opérations réalisées depuis le début de 2014, selon des données de Thomson Reuters.

(Marc Angrand, Nicolas Delame, Danielle Rouquié et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Patrick Vignal)

par Paola Arosio et Danilo Masoni