* Benjamin Smith prendra ses fonctions fin septembre au plus tard

* Le gouvernement l'assure de la "pleine confiance" de l'Etat

* Smith "souhaite gagner la confiance" des personnels d'AF-KLM (Actualisé avec président du SNPL)

PARIS, 16 août (Reuters) - Le conseil d'administration d'Air France-KLM a officialisé jeudi soir la nomination de Benjamin Smith, numéro deux d'Air Canada, au poste de directeur général, avec le soutien de l'Etat français mais la méfiance des syndicats du groupe aérien franco-néerlandais.

Benjamin Smith - dont le nom circulait depuis plusieurs jours dans les médias - prendra ses fonctions au plus tard le 30 septembre 2018, a précisé AF-KLM dans un communiqué.

"Il sera chargé en priorité de redynamiser Air France, de donner une profonde impulsion stratégique au groupe, et de travailler avec les équipes à une nouvelle approche managériale."

Le gouvernement français a immédiatement salué cette nomination.

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, et la ministre des Transports, Elisabeth Borne, ont souligné dans un communiqué commun que Benjamin Smith "bénéficie de la pleine confiance de l'Etat et des principaux actionnaires d’Air France-KLM pour rétablir le dialogue social et mener à bien les grands chantiers de transformation du groupe".

Benjamin Smith, qui a 46 ans et maîtrise la langue française, est directeur de l'exploitation d'Air Canada, où il s'est taillé une réputation de fin négociateur. Il a fait toute sa carrière dans l'aérien et est entré en 2002 à Air Canada, dont il est membre du comité exécutif depuis 2007.

"IMPATIENT"

"Je souhaite gagner la confiance et le respect des équipes d'Air France-KLM pour que nous travaillions et réussissions ensemble", a-t-il déclaré dans le communiqué d'AF-KLM.

Il s'est aussi dit "impatient de rencontrer les équipes d'Air France-KLM en septembre".

Les syndicats d'AF-KLM avaient critiqué par avance le choix d'un Nord-Américain. Ce sera la première fois que le groupe aura un patron non français et, de plus, non européen.

"(...) un dirigeant qui n'a pas la fibre nationale aura plutôt tendance à délocaliser l'activité", a déclaré sur franceinfo Philippe Evain, président du SNPL, principal syndicat de pilotes d'Air France.

Sa crainte fait écho à l'hostilité de l'intersyndicale d'Air France, qui affirmait jeudi matin que le choix du groupe devait "se porter sur la défense des intérêts de notre compagnie nationale".

"Les syndicats d'Air France ont été très hostiles", a commenté Daniel Roeska, analyste chez Bernstein. "Ce qui, paradoxalement, pourrait bien indiquer qu'il (Benjamin Smith) est effectivement un bon choix."

"A ce poste, il (Benjamin Smith) doit mettre en place une gouvernance et une direction pour diriger. En deuxième lieu, la question clé c'est l'ampleur du soutien que le conseil d'administration lui a accordé", a-t-il ajouté.

"Combien de grèves sont-ils capables d'endurer ? Etant donné son expérience et le choix du conseil, j'imagine qu'il a davantage de soutien pour réformer en profondeur qu'aucun autre de ses prédécesseurs."

Pour James Halstead, consultant indépendant pour Aviation Strategy, "la difficulté, c'est qu'Air France n'a pas restructuré ses accords sociaux comme ses concurrents l'ont fait".

"British Airways a accompli ça il y a près de 20 ans. Lufthansa l'a fait progressivement et est parvenue à un compromis correct ces dernières années mais ça leur a pris beaucoup de temps. Air France n'a pas été capable de le faire."

Selon des analystes du secteur aérien, Benjamin Smith est considéré comme l'un des architectes de la transformation d'Air Canada en un groupe aérien d'envergure mondiale et pouvait prétendre à la succession de l'actuel directeur général Calin Rovinescu.

RELANCER LES NÉGOCIATIONS SALARIALES

Le nouveau directeur général aura la tâche délicate de relancer les négociations sur les salaires et les conditions de travail, dans une impasse depuis la démission début mai de Jean-Marc Janaillac, désavoué lors d'une consultation des personnels sur un projet d'accord salarial.

Jean-Marc Janaillac était à la fois PDG du groupe et de la compagnie Air France. AF-KLM a indiqué que son conseil annoncerait "dans les meilleurs délais" l'évolution de la gouvernance concernant la présidence non exécutive du groupe et d'Air France.

"Dès son arrivée, Benjamin Smith prendra la direction générale exécutive du groupe Air-France-KLM et en déterminera l'organisation", a déclaré AF-KLM.

Dans l'intervalle, la gouvernance de transition mise en place en mai à la suite de la démission du PDG Jean-Marc Janaillac reste en place. Celle-ci est constituée d'Anne-Marie Couderc, présidente non exécutive du conseil d'Air France-KLM et d'Air France, et d'un comité de direction collégiale.

En Bourse, le titre Air France-KLM a grimpé de 1,46% jeudi pour clôturer à 9,05 euros et a progressé de 5,5% en cumul sur les trois dernières séances, soutenu par la perspective d'une fin prochaine des incertitudes sur la gouvernance du groupe.

A ce niveau de cours, le titre perd encore 33,4% de sa valeur depuis début janvier, pénalisé par plusieurs journées de grève à Air France entre février et mai.

Il avait fait un bond de 162,5% l'an dernier à la faveur du renforcement d'alliances avec plusieurs compagnies aériennes et du lancement par Air France d'une nouvelle compagnie low cost sur le segment du moyen-courrier, des annonces bien accueillies par le marché.

Le communiqué : https://bit.ly/2MrExjM

ENCADRE-Le nouveau patron d'Air France-KLM devra s'imposer

(Dominique Rodriguez, édité par Elizabeth Pineau)

Valeurs citées dans l'article : Air Canada, Air France-KLM