PARIS (awp/afp) - Le Premier ministre Edouard Philippe doit annoncer lundi matin son plan de marche pour réformer le secteur ferroviaire, dix jours après la publication d'un rapport critique qui a crispé les syndicats.

Le Premier ministre précisera "les questions de méthode et de calendrier" et "les grands axes" de sa réforme, selon Matignon.

Il doit expliquer quelles sont ses ambitions et comment il compte s'y prendre pour préparer l'ouverture à la concurrence, transformer la SNCF, reprendre éventuellement une partie de sa dette et recentrer les efforts de l'Etat sur les lignes les plus fréquentées, qui ont besoin d'une sérieuse rénovation.

"Si nous voulons sauver le système ferroviaire, disons-le clairement, nous devrons prendre des décisions", a assuré le chef du gouvernement mardi devant les députés.

Les syndicats de cheminots seront particulièrement attentifs: s'ils n'appellent encore qu'à une manifestation le 22 mars, ils ont convenu de se concerter mardi, pour déclencher une grève le cas échéant.

Les fédérations CGT, UNSA, SUD-Rail et CFDT, ont notamment prévenu le gouvernement "qu'elles réagiraient de manière forte et avec détermination s'il entendait utiliser l'ordonnance en tout ou partie dans le cadre de la nouvelle réforme ferroviaire", menaçant d'"un conflit majeur".

Le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, Christophe Castaner, a en effet indiqué jeudi qu'un recours aux ordonnances était "une possibilité". Le gouvernement devra de toute façon aller vite sur une partie du problème, car le "quatrième paquet ferroviaire" européen qui prévoit l'arrivée de la concurrence sur les rails devra être transcrit dans le droit français avant le 25 décembre.

Le rapport rendu le 15 février à Edouard Philippe par l'ancien patron d'Air France Jean-Cyril Spinetta doit servir de base à la réflexion du gouvernement.

Il a fait, selon le Premier ministre, "un constat précis, lucide, sur ce qui fonctionne bien dans le système ferroviaire et ce qui fonctionne moins bien".

- SNCF plus efficace -

Le constat est clair, et partagé tant par le gouvernement que la SNCF: la France paie des décennies de "tout TGV", pendant lesquelles l'entretien du réseau ordinaire a été sacrifié. D'où des pannes, des retards, des annulations et des frustrations.

Mais "le vieillissement du réseau n'explique pas tout, loin de là", juge M. Spinetta, estimant que la SNCF n'est pas assez efficace.

Il faut selon lui "recentrer le transport ferroviaire sur son domaine de pertinence: les transports du quotidien en zone urbaine et périurbaine, et les dessertes à grande vitesse entre les principales métropoles".

Conséquence qui a fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours, il pense qu'il vaut mieux fermer les "petites lignes" dont la remise à niveau coûterait trop cher. Et mettre le paquet - avec davantage de moyens - sur la partie la plus fréquentée de réseau.

Matignon a déjà répondu qu'on agirait au cas par cas, en collaboration avec les régions, et que l'Etat respecterait ses engagements en attendant.

Pour donner plus d'agilité à la SNCF M. Spinetta suggère que les nouveaux embauchés ne bénéficient plus du statut de cheminot à l'embauche, à l'exemple de ce qui a déjà été fait pour La Poste et Orange.

Il estime également que la société publique devrait pouvoir lancer temporairement des plans de départs volontaires, pour garder des effectifs plus adaptés à ses besoins.

En cas de passage de l'exploitation de lignes à la concurrence - ce qui devrait être possible pour les TER dès la fin 2019 -, "une loi devra poser le principe d'un transfert obligatoire" des personnels chez les nouveaux exploitants, selon lui.

Concernant le statut de la SNCF, ses deux principales composantes, SNCF Mobilités et SNCF Réseau, pourraient être transformées en sociétés anonymes à capitaux publics - comme l'était la SNCF avant 1982 -, de façon à ne plus bénéficier automatiquement de la garantie illimitée de l'Etat.

"En aucun cas (le rapport Spinetta) n'envisage la privatisation du service public ferroviaire", a souligné la ministre des Transports Elisabeth Borne.

Jean-Cyril Spinetta estime enfin que l'Etat devrait reprendre "une part" de la très lourde dette de SNCF Réseau, qui se montait à 46,6 milliards d'euros à la fin 2017.

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