Berlin (awp/afp) - A peine acquise, la place de numéro un mondial des gaz industriels d'Air Liquide vacille déjà, alors que son grand rival allemand Linde envisage lui aussi de fusionner avec un américain, Praxair.

Linde et Praxair ont confirmé mardi, après que plusieurs médias ont eu vent des négociations, qu'ils menaient "des discussions préliminaires sur une possible fusion". Le Wall Street Journal avait le premier vendu la mèche.

"Les discussions sont en cours et n'ont encore conduit à aucun résultat concret", selon les communiqués des deux entreprises, "il n'est pas possible d'anticiper à l'heure actuelle si, ou dans quels termes, une transaction se matérialisera".

Si le rapprochement semble loin d'être fait, sa perspective suffisait à faire s'envoler en Bourse l'action Linde. Elle prenait 10,48% à 153,95 euros à 14H20 GMT à la Bourse de Francfort. A New York, le titre Praxair avançait de plus de 3% à la même heure.

Linde et Air Liquide ont longtemps été au coude à coude sur le marché des gaz industriels, utilisés dans le domaine médical et dans une multitude de processus industriels, de la chimie à l'électronique en passant par l'agro-alimentaire et l'énergie.

Le français a détrôné l'allemand du premier rang mondial avec l'acquisition, bouclée fin mai, de l'américain Airgas, qui devrait porter son chiffre d'affaires annuel à quelque 20 milliards d'euros. Avec cette opération Air Liquide a pris "une longueur d'avance", se félicitait récemment son patron Benoît Potier.

L'avance pourrait être de courte durée si Linde et Praxair font affaire: leur mariage créerait une entreprise pesant plus de 26 milliards de d'euros (30 milliards de dollars) de chiffre d'affaires.

RECOUPEMENTS

Selon Peter Spengler, analyste de la banque allemande DZ Bank, le mariage en cours entre Air Liquide et Airgas "rend plus probable une fusion entre Praxair et Linde".

A force de rachats et rapprochements, le nombre d'acteurs d'envergure sur le marché s'amenuise, et ceux qui restent ont plus de marges de manoeuvres pour imposer leurs prix à leurs clients.

Ainsi si cette nouvelle opération se fait, le nombre de grands acteurs passera à trois: le nouveau groupe germano-américain, Air Liquide et l'américain Air Products.

M. Sprengler entrevoit "d'importantes synergies" entre Linde et Praxair, dont les domaines de spécialisation se recoupent largement, mais émet des doutes quant au feu vert des autorités européennes de la concurrence, pour cette même raison. Aux États-Unis cela ne devrait cependant pas poser de problème, selon lui, Linde étant actif particulièrement dans le domaine des gaz médicaux et Praxair dans les gaz pour l'industrie.

Selon Bloomberg News, qui citait des sources au fait des négociations, de possibles cessions d'actifs pour amadouer les autorités anti-cartel auraient déjà été évoquées dans les discussions.

Praxair et Linde ont tous les deux d'autres activités que les gaz, à savoir la vente d'usines clé en main et, pour le second, de services de logistique. Mais ces derniers temps, au moins pour Linde, l'activité de services industriels a souffert de la chute du cours du pétrole, l'essentiel de ses clients se recrutant dans le secteur pétrolier et gazier.

Par opposition à cette activité très cyclique, les gaz, de loin sa plus grosse division, apparaissent comme un secteur défensif, c'est-à-dire une valeur sûre moins soumise aux aléas de la conjoncture.

Linde, basé à Munich, emploie plus de 64.000 personnes dans le monde et Praxair, qui a son siège dans le Connecticut, environ 26.000.

afp/jh