causes de la catastrophe (experts)

PARIS (awp/afp) - La présence de fumée dans la cabine peu avant la disparition de l'A320 d'EgyptAir tend à indiquer que l'appareil a subi un incendie, mais ne permet pas de déterminer les causes de la catastrophe, estiment les experts interrogés par l'AFP.

QUESTION: Que révèlent les messages automatiques Acars émis par l'avion peu avant sa disparition ?

REPONSE: Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) a confirmé que l'appareil a transmis des messages Acars indiquant qu'il y a eu de la fumée en cabine. Ces messages ont été révélés par le site dédié à l'aviation Avherald. Ils indiquent la présence de fumée dans les toilettes puis dans le système avionique (l'électronique embarquée). Avherald mentionne aussi des messages de panne du FCU Flight control unit, ce que ne confirme pas le BEA. Le FCU "permet d'ajuster certains paramètres comme le cap, l'altitude, la vitesse de descente, la vitesse de l'avion", explique François Grangier, pilote de ligne et expert enquêtes/accidents agréé par la Cour de cassation.

QUESTION: Ces messages permettent-ils de privilégier une thèse ?

REPONSE: "Il est beaucoup trop pour interpréter et comprendre les causes de l'accident tant que nous n'avons retrouvé ni l'épave, ni les enregistreurs. La priorité de l'enquête est de retrouver épave et enregistreurs de vols", insiste le BEA.

Pour Jean-Paul Troadec, expert aéronautique et ancien directeur du BEA, "que l'on ait détecté des fumées ne préjuge pas des causes de l'accident. Tout ce qu'on peut dire, dans les circonstances, c'est qu'il y eu des fumées. Ces fumées peuvent être dues à un incendie dans l'avion suite à un problème technique, ça peut être aussi une explosion ... Mais c'est beaucoup trop tôt pour faire des hypothèses. C'est une information supplémentaire, qui devra être précisée le jour où on retrouvera les enregistreurs de vol."

François Grangier confirme que la cause ne sera connue qu'"après la récupération de l'épave. Cet enchaînement de faits ressemble énormément à un incendie dans le poste de pilotage, avec un dégagement de fumée important, jusqu'à créer une alarme dans les toilettes qui sont derrière et dans la soute électronique, et une perte de contrôle de l'appareil."

QUESTION: Dans quelle partie de l'appareil cette fumée est apparue?

REPONSE: Selon une source interrogée par l'AFP sous couvert de l'anonymat, les messages Acars ont révélé la présence de fumée à l'arrière, puis à l'avant en soute avionique. "La soute avionique est sous le cockpit. Il y a dedans tous les systèmes électriques de bord. S'il y a un incendie, tout est foutu: il n'y a plus de commande de vol, il n'y a plus d'instruments de navigation, il n'y a plus rien", explique Jean-Paul Troadec.

QUESTION: Pourquoi les pilotes n'ont pas déclenché d'alerte ?

REPONSE: "Le fait qu'il n'y ait pas eu de message d'alerte n'a pas de signification particulière, les pilotes ont peut-être eu d'autres choses à faire, réagir à l'événement, explique M. Troadec. Envoyer un message, ce n'est pas la première urgence."

"Un feu, c'est extrêmement rapide, extrêmement violent, et vous comprenez que quand la fumée commence à envahir un poste de pilotage, la première des priorités, c'est combattre la fumée", confirme François Grangier. "Et combattre la fumée, c'est une check-list très importante, très lourde, qui demande deux paires d'yeux au minimum, avec quelqu'un qui lit la check-list papier parce qu'on ne voit plus les écrans à 5 cm de son masque à oxygène et l'autre à côté qui lui hurle par l'interphone +Couper+, +On+, +Basculer+, pour faire passer un circuit électrique à un autre avec des laps de temps obligatoires."

"Alors vous comprenez bien qu'appeler un contrôleur qui ne peut rien pour vous, à part vous donner votre position... Mais là, l'équipage n'en est pas encore à se dire +où est ma position+, pour le moment il essaie de survivre dans une ambiance dégradée", rapporte M. Grangier.

QUESTION: Les pilotes ont-ils eu le temps de lutter contre cet incendie?

REPONSE: "Visiblement, compte tenu de l'heure des messages et de la progression de ces messages, tout s'est passé dans un laps de temps très, très faible, explique François Grangier. C'est-à-dire qu'en gros ils ont eu un envahissement très, très, très rapide de fumée dans le poste de pilotage, et la visibilité peut descendre à quelques centimètres lorsqu'il y a de la fumée. Donc même s'ils ont mis les masques, il se peut qu'ils ne voyaient rien du tout. Et puis la température peut devenir très rapidement intenable."

liu-dlm/fz/az