L'avionneur européen craint qu'une part croissante du CSeries soit contrôlée par United Technologies après son rachat de Rockwell Collins pour 23 milliards de dollars (19 milliards d'euros), ont-elles précisé, en demandant à conserver l'anonymat.

Ensemble, les deux groupes américains posséderont une grande majorité des composants et systèmes du CSeries en termes de valeur, les plaçant au centre des efforts menés par Airbus pour réduire le coût de l'avion, dans un contexte de lutte de pouvoir croissante entre les avionneurs et leurs fournisseurs.

Faire pression sur les fournisseurs pour qu'ils baissent leurs prix est un facteur clé de la prise de contrôle du programme, souligne Richard Aboulafia, vice-président de Teal Group.

"Bombardier ne pouvait pas faire ça, il n'avait tout simplement pas assez de poids", explique-t-il.

Airbus et UTC se sont refusé à tout commentaire. Une porte-parole de Bombardier a dit qu'UTC était le principal fournisseur du CSeries même avant l'intégration de Rockwell Collins, mais sans souhaiter s'étendre davantage.

L'avionneur européen a pris le contrôle en octobre 2017 du programme CSeries en difficulté, les deux parties estimant que la présence commerciale mondiale d'Airbus et son poids auprès des fournisseurs rendrait l'avion plus compétitif et faciliterait sa commercialisation.

L'accord était intervenu quelques semaines après l'annonce du projet de rapprochement entre United Technologies et Rockwell Collins pour créer un nouveau super-fournisseur.

Parmi leurs composants en commun, United Tech motorise le CSeries et Rockwell Collins équipe son cockpit en systèmes. Avant la fusion, UTC fournissait environ un quart des équipements du CSeries, estime Richard Aboulafia.

Les équipements à renégocier comprendront probablement le coût des pièces détachées et des services comme les réparations, selon des sources.

DILEMME MARKETING

Les coûts ne sont pas le seul facteur en jeu dans la relance du CSeries. Airbus étudie aussi comment utiliser son poids marketing.

L'une des propositions serait d'abandonner la marque CSeries, 14 ans d'âge, et de rebaptiser le programme A200, en faisant ainsi un cousin plus petit de la gamme Airbus qui s'étend de l'A318 au plus grand avion du monde, l'A380.

Mais ce possible rebranding, révélé par Bloomberg News, pourrait susciter l'ire de responsables politiques québécois qui craignent de perdre une marque phare et qui y voient la réminiscence du premier A300 d'Airbus, voire de l'avion de transport militaire A400M, qui multiplie les déboires.

Le débat sur le nom du programme reflète les interrogations sur la commercialisation de l'avion par Airbus, une décision qui enverrait un signal sur la manière dont le groupe considère son nouveau partenaire canadien.

L'avionneur européen cherche à déterminer s'il intègre l'avion canadien à l'équipe commerciale Airbus ou s'il met en place un nouveau service spécifique, selon des sources.

Une structure distincte renforcerait l'attention prêtée à l'avion canadien mais romprait avec l'habitude d'Airbus de commercialiser l'ensemble de sa gamme.

(Avec Cyril Altmeyer, édité par Wilfrid Exbrayat)

par Tim Hepher et Allison Lampert