(Actualisation: contrat pétrochimique de Royal Dutch Shell en Iran et déplacement d'un de ses dirigeants dans le pays en avril, mise à jour des cours de Bourse)

TEHERAN (Agefi-Dow Jones)--Les multinationales qui ont fortement misé sur l'Iran récemment étudient la décision de Donald Trump de réinstaurer les sanctions contre le pays dans l'espoir de pouvoir y préserver leurs intérêts.

Le président américain a annoncé un retrait de l'accord multilatéral qui avait supprimé la plupart des sanctions économiques contre l'Iran en échange d'un coup d'arrêt à son programme nucléaire, et a promis de nouvelles pénalités sans fournir davantage de précisions.

Les groupes européens, et notamment français, qui ont été plus prompts que leurs homologues américains à réinvestir le marché iranien après la conclusion de l'accord de 2015, doivent maintenant reconsidérer leurs ambitieux plans d'investissements. Dans certains cas, ils ont prévu des mesures d'adaptation si leurs activités en Iran tombent sous le coup de la nouvelle politique américaine.

Le département américain du Trésor a annoncé qu'il révoquerait les autorisations accordées pour les exportations de matériel aéronautique vers l'Iran sous 90 jours, compromettant fortement les commandes géantes placées par l'Iran auprès de Boeing et d'Airbus.

Les sanctions s'appliquent à toutes les transactions en dollars

Après avoir avoir obtenu les autorisations nécessaires aux Etats-Unis, Airbus a finalisé un contrat portant sur la livraison de 100 avions de ligne à l'Iran fin 2016. Seuls trois appareils ont été livrés à ce jour, tous munis de licences américaines, rendues nécessaires par la présence dans les avions de pièces fabriquées aux Etats-Unis.

"Nous analysons avec attention l'annonce du président et nous évaluerons les prochaines mesures (qui seront) cohérentes avec nos politiques internes, tout en nous conformant intégralement aux sanctions américaines et aux réglementations en matière de contrôle des exportations", a réagi Airbus mardi.

Boeing a également décroché une commande portant sur plus de 100 avions, dans le cadre d'un des rares contrats de premier plan conclus par une entreprise américaine en Iran. Mais le constructeur n'a pas encore commencé ses livraisons. Son directeur général Dennis Muilenburg a déclaré le mois dernier que les livraisons avaient été reportées au-delà de 2018 et que les ventes à l'Iran n'étaient pas intégrées dans le plan de charge du groupe.

"Après l'annonce (de mardi), nous consulterons le gouvernement américain sur la marche à suivre", a déclaré un porte-parole de Boeing.

Bien que les gouvernements européens n'aient pas renoncé à l'accord conclu avec l'Iran, toute nouvelle sanction américaine devrait affecter les multinationales européennes si elles ont une activité importante outre-Atlantique, ou même si elles ont recours au dollar ou à des banques américaines pour réaliser leurs transactions.

Washington n'a pas indiqué clairement quels investissements seraient affectés. Des responsables de l'administration Trump ont déclaré mardi que les sanctions initiales contre l'Iran seraient immédiatement rétablies, interdisant tout nouveau contrat et accord financier, tout en accordant aux entreprises et aux banques un délai compris entre 90 et 180 jours pour se désengager. Aucune précision n'a été fournie sur de possibles exemptions ou délais supplémentaires.

Total envisage plusieurs options pour South Pars

Mais avant l'annonce de mardi, le français Total espérait mener à bien son projet d'un milliard de dollars visant à exploiter un champ de gaz naturel offshore, même en cas de nouvelles sanctions américaines. Le groupe soutient que le projet a été conclu alors qu'aucune sanction américaine ou européenne n'était en vigueur. Total s'est également appliqué à séparer ce projet de ses activités américaines et a pris soin de ne pas avoir recours à des logiciels américains, ont indiqué des sources proches du dossier. Aucun des salariés américains de Total ne travaille sur ce projet.

Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, a demandé informellement au gouvernement français d'intervenir auprès de l'administration Trump pour que ce projet, baptisé South Pars, bénéficie d'une exemption, selon une de ces sources. Le groupe, qui se disait attaché à développer le projet dans le respect des règles nationales et internationales applicables, n'a pas souhaité réagir aux annonces faites mardi.

En cas d'impossibilité de se maintenir en Iran, Total envisage de céder sa participation de 50,1% dans sa coentreprise locale à un de ses partenaires, China National Petroleum Corp, ou CNPC, ont indiqué les sources proches du dossier. Toute décision concernant cette participation relèvera de Total, a indiqué un représentant de CNPC.

L'anglo-néerlandais Royal Dutch Shell détient de son côté un contrat de fourniture de technologies pétrochimiques à des partenaires iraniens depuis 2016. Le groupe a dépêché un de ses dirigeants à Téhéran en avril pour rassurer les responsables iraniens sur l'engagement du groupe à rester dans le pays tant que la réglementation américaine le permettrait, selon une source proche du dossier. L'année dernière, le groupe a dégagé un revenu de 6,3 millions de dollars de son activité pétrochimique en Iran.

La compagnie pétrolière, qui n'a pas souhaité réagir mardi, se disait jusque là désireux de participer au développement du potentiel énergétique du pays dans le respect des lois applicables.

Renault espère échapper aux sanctions

Le constructeur automobile Renault et l'avionneur Airbus ont évoqué la question des sanctions contre l'Iran avec des responsables gouvernementaux français le mois dernier, selon une source proche du dossier.

Renault a établi une coentreprise l'année dernière avec des partenaires locaux afin de produire 150.000 véhicules par an dans le pays. Les dirigeants du groupe pensent pouvoir préserver leurs opérations en Iran malgré de nouvelles sanctions américaines, selon une personne proche du dossier. Le fait que l'essentiel des pièces nécessaires seront fabriquées en Iran devrait permettre d'échapper aux sanctions, selon cette source.

Une porte-parole de Renault a déclaré que le groupe "étudie de près l'évolution de la situation diplomatique".

A 10h38, les actions Renault et Peugeot cédaient 1,2%, à 88,09 euros et 20,07 euros respectivement, tandis qu'Airbus abandonnait 0,9% à 99,35 euros. Profitant de la hausse des cours du pétrole, Total gagnait pour sa part 1% à 52,3 euros.

- Benoit Faucon et Sarah Kent, The Wall Street Journal

-Robert Wall et Doug Cameron ont contribué à cet article (Version française Thomas Varela) ed : ECH

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