Moscou (awp/afp) - Le gouvernement russe a annoncé mercredi à la surprise générale le report sine die de la privatisation du producteur pétrolier Bachneft, portant un coup au programme de cessions d'actifs publics décidé par Moscou pour combler les pertes causées par la chute des prix du pétrole.

Cette décision constitue un revirement alors que le ministère de l'Economie venait de recueillir les candidatures des entreprises intéressées et de procéder à une estimation pour cette opération de plusieurs milliards d'euros, jugée essentielle pour le budget.

"Le gouvernement a pris la décision de reporter la privatisation de Bachneft", a indiqué le ministère de l'Economie dans une brève déclaration à l'AFP, confirmant les informations parues dans la presse russe.

Selon plusieurs journaux, ce report a été décidé directement par le Premier ministre Dmitri Medvedev en accord avec le président Vladimir Poutine.

L'action du sixième producteur d'hydrocarbures du pays, dont l'Etat détient 50% et la région du Bachkortostan 25%, s'effondrait de plus de 9% vers 10H30 GMT à la Bourse de Moscou.

L'Etat russe, face à sa plus longue crise économique depuis plus de 15 ans, est confronté à l'effondrement de ses revenus tirés des ventes d'hydrocarbures, qui représentaient la moitié des rentrées budgétaires les années fastes.

Il a donc décidé de réduire sa participation dans plusieurs entreprises publiques dont Bachneft, groupe basé à Oufa (sud) privatisé une première fois au début des années 2000 et dont il a repris le contrôle il y a moins de deux ans à l'issue de poursuites controversées contre son propriétaire Vladimir Evtouchenkov.

La société d'audit chargée du dossier avait estimé la vente de la participation de l'Etat autour de 300 milliards de roubles soit plus de quatre milliards d'euros.

Selon le journal RBK, le revirement du gouvernement s'explique par la conjoncture difficile sur les marchés, qui aurait abouti à un prix décevant. Elle intervient aussi après une intervention des autorités du Bachkotorstan, qui craignent de pâtir financièrement et socialement de l'opération.

Pour le journal Kommersant, le report est lié par ailleurs à la lutte qui se jouait en coulisses entre Loukoïl, groupe privé donné favori pour la reprise de l'entreprise, et le géant public Rosneft.

Ce dernier, candidat au rachat, s'est attiré les critiques de hauts responsables gouvernementaux jugeant absurde sa participation dans la mesure où il est détenu à majorité par l'Etat.

Mais son influent patron Igor Setchine, proche de longue date de Vladimir Poutine, a prévenu qu'il ne retirerait pas cette candidature sans décret en ce sens du gouvernement.

L'ambitieux programme du gouvernement se limite donc pour l'instant à la vente en Bourse en juillet de 10% du producteur de diamants Alrosa pour un peu plus de 700 millions d'euros. L'opération la plus massive attendue est la vente de 19% de Rosneft mais elle n'a toujours pas été lancée et reste peu probable cette année.

Un vaste programme de privatisations avait déjà été lancé lorsque Dmitri Medvedev était président. Ses ambitions ont été nettement revues à la baisse ensuite, notamment en raison des résistances internes au pouvoir.

L'idée de nouvelles cessions d'actifs, défendue par l'aile libérale du pouvoir qui y voit un moyen d'améliorer l'efficacité des entreprises concernées, est revenue ces derniers mois en raison du plongeon des cours du pétrole.

Vladimir Poutine a exigé de maintenir le déficit sous 3% du PIB malgré la récession et les mesures de rigueur annoncées depuis pourraient ne pas suffire pour remplir cet objectif.

afp/rp