ChemChina a pris le contrôle de fabricant italien de pneumatiques il y a deux ans en reprenant une participation de 65% dans sa holding de contrôle, le fonds d'investissement Marco Polo.

Pirelli avait alors été retiré de la cote mais il fait son retour à la Bourse de Milan avec une offre publique de vente (IPO) destinée à mettre sur le marché jusqu'à 40% de son capital.

La participation de ChemChina descendra ainsi à cette occasion pour s'établir entre 45% et 46,7%, en fonction de l'option de surallocation.

Pirelli a toujours dit que son actionnaire chinois ne se mêlait pas de sa gestion. Sa participation ramenée sous la barre des 50% vise à enfoncer le clou dans un contexte de craintes suscitées par les investissements chinois en Europe.

La semaine dernière, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a proposé un contrôle plus rigoureux des investissements étrangers dans les entreprises de l'UE jugées stratégiques, notamment technologiques ou énergétiques.

Le président de ChemChina, Ren Jianxin, a récemment été confirmé au poste de président de Pirelli et le conseil d'administration compte une forte présence chinoise, mais un ensemble de règlements protège le savoir-faire et la gouvernance du groupe.

DES INVESTISSEURS CHINOIS "RESPECTUEUX"

"Ils (ChemChina) ont accepté toutes les conditions que nous avons posées en matière de gouvernance", a déclaré l'administrateur délégué de Pirelli, Marco Tronchetti Provera, lors d'une conférence de presse au premier jour de la présentation de l'IPO aux investisseurs.

"Ils veulent montrer que leur investissement est financier et qu'il respecte l'autonomie et la responsabilité de la direction et par dessus tout, les (actionnaires) minoritaires."

Le cinquième fabricant mondial de pneus, créé en 1872 et entré une première fois en Bourse en 1922, devrait faire son retour sur la place milanaise le 4 octobre après en avoir été retiré en 2015.

La fourchette indicative de prix, entre 6,30 et 8,30 euros par titre, valorise la société entre 6,3 et 8,3 milliards d'euros. Pirelli espère lever jusqu'à 3,3 milliards d'euros, ce qui en ferait la deuxième plus importante IPO de l'année en Europe après celle d'Allied Irish Banks en juin, qui a permis de lever 3,4 milliards d'euros.

Pirelli s'est recentré sur les pneumatiques haut de gamme destinés à des marques comme Mercedes, Audi et BMW, les pneus industriels et pour camions ayant été reclassés dans une filiale de ChemChina.

Avec ces produits à forte valeur ajoutée, qui devraient représenter quelque 63% du chiffre d'affaires d'ici 2020, Pirelli veut se positionner comme un groupe industriel haut de gamme.

La fourchette de prix représente 11,3 à 14,9 fois le bénéfice 2018 estimé de Pirelli, un multiple supérieur à ceux des concurrents Michelin et Continental - de l'ordre de 11 - mais inférieur à celui du finlandais Nokian, dont les pneus d'hiver haut de gamme et la situation financière positive lui assurent un ratio élevé de 15,7.

Pirelli avait envisagé revenir en Bourse au premier semestre 2018, mais ses résultats positifs et des conditions de marché favorables l'ont conduit à accélérer le processus.

Camfin, la société holding de Marco Tronchetti Provera, et les banques UniCredit et Intesa Sanpaolo verront leur participation actuelle de 22% dans Marco Polo ramenée à 10 ou 12%.

Le fonds d'investissement LTI, lié à Rosneft, aura entre 5 et 6,6%. Il sera tenu de conserver ses titres pendant une période d'engagement ("lock-up") de 180 jours après l'IPO, plus courte que celle des autres actionnaires historiques, ce qui a alimenté des spéculations sur un possible désengagement une fois ce délai écoulé.

Marco Tronchetti Provera a cependant assuré qu'aucun des principaux actionnaires n'avait manifesté l'intention de se désengager.

Pirelli intègrera un nouvel indice boursier dédié aux grands groupes italiens d'"art de vivre", dans lequel figureront également le constructeur de voitures de courses Ferrari et le fabricant de boissons Campari.

Interrogé sur sa succession, Marco Tronchetti Provera a déclaré avoir déjà "un nom dans une enveloppe", ajoutant que la personne qui lui succéderait appartient à son équipe.

Le patron de Pirelli, âgé de 69 ans, a dit qu'il ne jouerait pas les prolongations après l'expiration de son mandat en 2020.

(Agnieszka Flak et Silvia Aloisi, Bertrand Boucey et Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Véronique Tison)

par Agnieszka Flak et Elisa Anzolin