Zurich (awp) - L'énergéticien Alpiq, sous pression depuis des années, n'est pas près de rémunérer ses actionnaires, à qui il a déjà demandé à plusieurs reprises de renoncer à percevoir un dividende. "Nous devons d'abord couvrir bien et solidement nos coûts de capital et être convaincus que la tendance est durable. Nous sommes encore à des années de cela", a déclaré Jens Adler, le président de son conseil d'administration, dans un entretien paru mercredi dans Finanz und Wirtschaft.

Alpiq concentre actuellement ses efforts sur la finalisation de la vente pour 850 millions de francs suisses de ses activités industrielles - InTec et Kraftanlagen München - à des filiales du conglomérat français Bouygues, annoncée fin mars. "Avec cette cession, nous réduisons notre endettement net et nous concentrons sur notre coeur d'activité", a indiqué l'ex-patron de Swisscom.

Interrogé sur l'allocation du produit de la transaction, le président d'Alpiq a écarté d'emblée l'éventualité de nouveaux investissements d'envergure. Il se montre plus enclin à réduire l'endettement, ce qui permettrait de réduire les coûts de financement. "Mais cela aurait pour inconvénient d'accroître le profil de risque d'Alpiq, car nous anticipons des prochaines années un cashflow négatif".

Conserver l'accès aux capitaux

Le dirigeant entend donc prioritairement conserver les liquidités afin de financer le déficit lié aux activités de production d'électricité en Suisse. Il reconnaît cependant que la gestion de la trésorerie deviendra plus difficile en raison des taux négatifs. "Alpiq ne peut actuellement pas se soustraire entièrement aux mesures de politique monétaire de la Banque nationale suisse (BNS)".

Le président d'Alpiq insiste sur la nécessité pour le groupe de conserver l'accès au marché des capitaux, une condition sine qua non pour pouvoir décider plus tard de l'allocation des ressources. "Grâce aux mesures structurelles, tous nos ratings actuels ont été confirmés", a-t-il fait remarquer, relevant au passage que plusieurs tendances du marché semblent jouer en faveur du groupe.

Le groupe énergétique valdo-soleurois est sous pression depuis des années, notamment du fait de ne disposer ni d'un réseau de distribution ni d'une clientèle captive en mesure de lui assurer des recettes sûres. La vente des activités industrielles devrait permettre au groupe de gagner un peu de temps, mais ne résout pas les problèmes liés à la production électrique en Suisse.

"La régulation actuelle du marché suisse de l'électricité engendre une distorsion massive de la concurrence" constate le sexagénaire, pointant du doigt une situation où les bénéfices de monopoles côtoient des déficits de marché. "Par ailleurs, il n'y a pour l'heure aucune incitation à investir dans les grosses centrales du pays", déplore-t-il, signalant que les fournisseurs suisses disposant de clients captifs investissent presque exclusivement à l'étranger.

Jens Adler ne se veut pas défaitiste. "Une faillite est hors de question pour Alpiq", affirme-t-il, rappelant que toutes les grandes centrales du pays sont organisées sous forme de partenariats. "Si un gros actionnaire venait à faire défaut par exemple pour les centrales nucléaires de Gösgen ou de Leibstadt, les autres devraient de fait combler son absence (...) et reprendre l'électricité aux coûts de production".

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