Zurich (awp) - Alpiq a décidé de tirer la prise à des activités industrielles qui, visiblement, plombaient sa performance. L'énergéticien valdo-soleurois va céder ses unités InTec et Kraftanlagen München, rachetées par le géant français Bouygues. La transaction va permettre d'effacer l'endettement net, voire de sortir des chiffres rouges subis en 2017.

Plus qu'une simple cession, le groupe énergétique va procéder à une véritable ablation. Les activités concernées - les services et l'ingénierie industrielle - génèrent annuellement un chiffre d'affaires de 1,7 mrd CHF et occupent 7650 personnes, dont 4000 en Suisse, soit plus de 80% des 9200 employés du groupe à fin 2017, selon les indications fournies lundi par Alpiq.

Les activités en question seront cédées pour 850 mio CHF à des filiales de Bouygues, à savoir Bouygues Construction et Colas Rail. Ce désinvestissement génère une plus-value et permet à l'énergéticien de se concentrer sur son coeur de métier, précise le communiqué.

La cession s'explique par l'impossibilité financière pour Alpiq de poursuivre le développement les activités de services et d'ingénierie et consolider sa "position de numéro un sur divers marchés". Le groupe lausannois invoque la "situation difficile de la production suisse sur le marché libre".

Directrice générale (CEO) d'Alpiq, Jasmin Staiblin parle d'une situation gagnante pour les deux parties. "Elle offre de nouvelles perspectives commerciales aux deux entreprises et à leurs employés", affirme la patronne, citée dans le communiqué du groupe.

UN BÉNÉFICE ESCOMPTÉ

Les chiffres annuels publiés lundi par la société valdo-soleuroise semblent plaider en faveur de cette cession. Alpiq aurait connu 2017 une croissance plus vigoureuse de son chiffre d'affaires et de son résultat opérationnel brut (Ebitda) sans InTec et Kraftanlagen. Mieux, il aurait dégagé un bénéfice de 4 mio CHF.

Au lieu de cela, le groupe a replongé dans les chiffres rouges, avec une perte nette de 84 mio CHF, malgré une hausse du chiffre d'affaires de 18% sur un an à 7,16 mrd CHF et une légère hausse de la production, à 14'792 gigawattheures. Le conseil d'administration proposera aux actionnaires de renoncer une nouvelle fois au dividende.

Des effets de change négatifs, l'arrêt de la centrale nucléaire de Leibstadt et la faiblesse des prix de gros expliquent cette contreperformance.

La cession a déjà entraîné un premier effet positif, certes modeste. Vontobel a confirmé le rating de crédit "BBB-" d'Alpiq, mais l'a agrémenté de la mention "developing". La banque zurichoise s'attend à une amélioration des chiffres clés de l'énergéticien, si la transaction venait à recevoir le feu vert des autorités de la concurrence européenne et suisse. La finalisation est prévue au deuxième semestre.

Alpiq se concentrera désormais sur la production d'électricité en Suisse ainsi que les activités internationales, qui comprennent le parc de centrales, et continuer la numérisation de ses activités.

Le cycle de désinvestissements est, quant à lui, bel et bien terminé. "Le reste des activités constitue notre coeur de métier", a averti Mme Staiblin devant la presse.

POSTE D'ADMINISTRATRICE À LA TRAPPE

La transaction, qualifiée de priorité absolue, coûtera à la patronne du groupe un siège d'administratrice qui lui était promis auprès de Zurich Insurance et auquel elle a renoncé

Elle met surtout un point final à la politique de diversification du groupe. Ce renversement est pointé du doigt par la Fondation Suisse de l'Énergie, pour qui les "erreurs du passé" reviennent hanter Alpiq. "Un endettement élevé nécessite de l'argent", souligne l'institution, partisane du recours aux énergies renouvelables.

La Fondation affirme que le concurrent bernois BKW, qui investit massivement dans les services, est mieux positionné car il a décidé depuis belle lurette d'abandonner le nucléaire.

Le gain engrangé après la vente des deux unités pourrait permettre à Alpiq d'effacer son ardoise. Fin 2017, le groupe a réduit son endettement net à 714 mio CHF, contre 854 mio douze mois auparavant.

En conférence de presse, le directeur financier (CFO) Thomas Bühler a souligné que le groupe pourrait présenter des liquidités nettes de 136 mio après la cession. Les liquidités dépasseraient ainsi le montant de l'endettement brut.

La transaction annoncée aujourd'hui ne résoudra pas tous d'un coup de baguette magique. Pour 2018, Alpiq s'attend à un résultat opérationnel inférieur à celui de l'exercice écoulé. La faiblesse persistante des prix de gros met la production suisse sous pression, précise le communiqué. Un redressement est prévu à moyen, voire long terme.

Analystes et investisseurs saluent les annonces du jour. A la Bourse suisse, le titre Alpiq a engrangé 6,3% à 77,70 CHF, dans un SPI en recul de 0,63%.

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