Le marasme économique dans lequel l'Europe est plongée devrait en outre continuer d'inciter les entreprises européennes à se lancer dans des opérations de consolidation à domicile ou dans des acquisitions pour conquérir des parts de marché hors du Vieux-Continent.

Dans le même temps, à l'image du rachat par l'américain General Electric des activités d'énergie d'Alstom, les entreprises non européennes devraient elles aussi poursuivre leurs emplettes en Europe.

"Il y a tout lieu de penser que 2015 sera à l'image de 2014, c'est-à-dire une conjoncture morose en Europe et malgré tout, et c'est un paradoxe, un volume important de transactions de M&A", pronostique Matthieu Pigasse, directeur général de Lazard France.

"D'un point de vue macroéconomique, la baisse des prix du pétrole signifie potentiellement un peu plus de croissance en Europe, donc un horizon plus favorable pour les opérations de M&A", poursuit le banquier d'affaires.

Selon les données de Thomson Reuters, le volume des transactions de M&A en France a doublé par rapport à 2013 pour atteindre 245,72 milliards de dollars (environ 202 milliards d'euros), et se rapproche ainsi des volumes enregistrés en 2006 et 2007, c'est-à-dire avant que n'éclate la crise financière de 2008.

A titre de comparaison, les opérations de M&A en France avaient atteint 319 milliards de dollars en 2006 et 303 milliards en 2007. Et 206,7 milliards en 2008.

"BON ALIGNEMENT DES PLANÈTES"

"Entre les taux d'intérêt historiquement bas, l'abondance de liquidité et des marchés porteurs, nous avons eu un bon alignement des planètes", relève Catherine Soubie, responsable de la banque d'affaires de Barclays en France.

La France rattrape ainsi son retard sur le front du M&A. En 2014, les opérations impliquant une entreprise française ont représenté 19,75% des transactions de fusions-acquisitions en Europe, contre 13% en 2013 et seulement 8,4% en 2012.

"Les ingrédients sont toujours réunis pour la poursuite d'une reprise progressive des opérations de M&A. Je ne m'attends pas pour autant à un 'boom' des transactions", note Thierry Varène, responsable mondial du corporate finance chez BNP Paribas, selon qui "les secteurs des télécoms, de l'énergie, des infrastructures et de l'industrie vont continuer de tirer les opérations de M&A."

Si en 2014 le rapprochement de Lafarge avec le suisse Holcim est de loin l'opération la plus importante en valeur, le secteur des télécoms s'est révélé dans son ensemble le plus bouillonnant et devrait, selon les banquiers, l'être tout autant en 2015 après le rachat de SFR par Numericable ou l'offensive d'Orange sur l'espagnol Jazztel.

"Le secteur des télécoms a tellement bougé que cela provoque en chaîne d'autres mouvements de consolidation", fait remarquer Stéphane Bensoussan, co-responsable du M&A chez HSBC pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique.

"Cela force tous les acteurs à réagir sur des transactions structurantes. Il y a un certain sentiment d'urgence à bouger de leur part."

Et les regards se portent désormais sur Bouygues Telecom, candidat malheureux au rachat de SFR, et sur Iliad qui a fini par renoncer à T-Mobile USA après le rejet de son offre par Deutsche Telekom.

DE NOUVELLES ÉQUIPES DIRIGEANTES

Dans les secteurs de l'énergie et de la défense, les changements d'équipes dirigeantes intervenus fin 2014 comme chez Total, EDF, Safran et Thales, ou en cours comme chez Areva pourraient, selon les banquiers, aussi ouvrir la voie à de futures transactions de M&A.

Chez GDF Suez, la directrice financière Isabelle Kocher a été nommé directrice générale déléguée et fait figure de favorite pour succéder à Gérard Mestrallet, tandis que chez Orange, l'ancien directeur du Trésor Ramon Fernandez a pris la direction financière de l'opérateur télécoms.

"Il est rare de voir autant de CEO et de CFO changer en même temps. A court terme, ce n'est pas forcément une bonne nouvelle pour le M&A dans la mesure où cela signifie que les décisions stratégiques sont remises post diagnostic", souligne Hubert Preschez, responsable du corporate finance pour la France à la Société générale.

"Mais dès la seconde partie de 2015, de nouvelles feuilles de route stratégiques et de nouvelles trajectoires financières devraient voir le jour créant ainsi des opportunités de transactions", poursuit-il.

A la faveur de la chute des prix du pétrole, les secteurs pétrolier et parapétrolier pourraient aussi connaître quelqes grandes manoeuvres, et ce malgré l'échec du rachat de CGG par Technip.

"Ce que l'on remarque dans les grandes transactions récentes, qu'elles soient menées au bout ou non, c'est le respect de l'orthodoxie financière de la part des entreprises", note Ghislain de Brondeau, responsable des activités ECM en France chez Barclays.

"On observe une plus grande rapidité dans l'exécution des transactions de M&A, ce qui permet potentiellement de travailler sur davantage d'opérations", relève plus globalement Jean-Baptiste Marchand, managing director chez Leonardo & Co.

Toujours selon Thomson Reuters, au palmarès des principales banques d'affaires, Lazard se hisse à la première place à fin 2014 pour la France, devant BNP Paribas, deuxième, et Rothschild, à la troisième place.

(Edité par Gilles Guillaume)

par Matthieu Protard