Paris (awp/afp) - Rassurer les marchés qui gardent un oeil sur la dette de 50 milliards d'euros du groupe Altice, malgré des résultats décevants, c'est l'objectif de Patrick Drahi, désormais en première ligne à l'issue d'une semaine compliquée.

M. Drahi, avec son carré de fidèles, a repris jeudi soir les commandes du groupe de médias et de télécoms dont il est le principal actionnaire, très chahuté en bourse: l'action a perdu plus du tiers de sa valeur depuis la publication de résultats le 2 novembre.

"Lorsque vous faites un schéma industriel basé sur la dette, il faut s'assurer de pouvoir respecter vos engagements pour maintenir la confiance des investisseurs. Aujourd'hui, la confiance semble clairement entamée", estime Stéphane Dubreuil, président de Stallych Consulting.

Première montrée du doigt, la principale filiale du groupe, l'opérateur français SFR, qui ne réussit toujours pas à redresser la barre, trois ans après son rachat retentissant par M. Drahi.

"On peut mettre les dirigeants les plus brillants, il restera toujours une réalité opérationnelle. Un dirigeant n'est pas un magicien et les investissements prennent du temps. Mais visiblement, cela ne va plus assez vite", juge Sylvain Chevallier, spécialiste télécoms chez BearingPoint.

En cause, un sous-investissement dans les réseaux avant le rachat de SFR, qui oblige l'opérateur à surinvestir pour rattraper son retard en termes de qualité réseau, annulant en partie les effets des importantes réductions de coût mises en place.

"Je pense qu'ils sont allés trop loin dans la baisse des coûts, et trop vite, ce qui ne marche pas. Désormais, les solutions sont difficiles à envisager: les contenus n'ont pas de conséquence sur l'ARPU (le revenu par abonné) et tout a été fait en termes de réduction des coûts", ajoute M. Dubreuil.

D'autant que SFR souffre encore d'un problème de positionnement stratégique, pour Sylvain Chevallier, en étant pris entre "Orange l'offre premium, Bouygues Telecom le bon plan et Free pour ceux qui veulent le prix".

ACTIF AUX ETATS-UNIS

Avec le départ du directeur général d'Altice Michel Combes qui suit celui, deux mois plus tôt, du directeur général de SFR Michel Paulin, ce sont deux spécialistes des télécoms qui sont mis sur la touche. M. Paulin a été remplacé à la tête de SFR par un homme des médias, Alain Weill, alors que l'opérateur est en pleine restructuration avec un plan de départs volontaires concernant 5.000 salariés.

Le défi à court terme sera de réussir à réaliser de bonnes fêtes de fin d'année, période qui représente traditionnellement une part importante des ventes pour les opérateurs.

"Ils doivent absolument réussir les fêtes de Noël mais Orange et Bouygues Telecom risquent de faire des offres très concurrentielles, qui pourraient laisser peu de place à SFR", prévient Stéphane Dubreuil.

Le groupe continue d'être actif aux Etats-Unis, son deuxième marché, où il a annoncé ces derniers jours le lancement d'une offre box à destination des clients de ses filiales Optimum et Suddenlink, une première dans le pays, mais également un accord avec l'opérateur Sprint afin de lancer une offre mobile, en tant qu'opérateur virtuel.

"Il ne faut pas être catastrophiste, la dynamique reste globalement positive mais la question qui se pose, c'est la capacité à passer au stade d'après, qui est plus compliqué tant que SFR n'est pas remis sur les rails", nuance Sylvain Chevallier.

Le groupe est également partiellement tributaire d'événements extérieurs.

Au Portugal, Altice est dans l'attente d'une décision de l'autorité de la concurrence locale concernant le rachat du groupe Media Capital, propriétaire de la principale chaîne de télévision, TVI, et de la Radio Comercial.

La comparaison avec ses concurrents français pourrait renforcer l'impression de décrochage, alors qu'Orange a vu son chiffre d'affaires progresser en France sur le trimestre (+0,2%) et que Bouygues Telecom et Free restent sur une tendance positive.

"Si les résultats de Bouygues Telecom et de Free sont bons dans deux semaines, le retour de bâton pourrait faire mal pour Altice", estime Stéphane Dubreuil.

afp/jh