judiciaire

PARIS (awp/afp) - Ce devait être un procès exemplaire des manipulations boursières, c'est d'ores et déjà un raté judiciaire: le procès des comptes truqués de l'entreprise Altran débute lundi, quinze ans après les faits, et peut-être pour rien.

En septembre dernier, le tribunal correctionnel de Paris avait décidé de juger les deux fondateurs désormais septuagénaires de cette société de conseil technologique, en rejetant une "Question prioritaire de constitutionnalité" (QPC) posée par la défense.

Huit personnes, dont les deux fondateurs, Alexis Kniazeff (74 ans) et Hubert Martigny (77 ans), ainsi que la société Altran elle-même, sont soupçonnées d'avoir gonflé artificiellement le chiffre d'affaires de plusieurs dizaines de millions d'euros en 2001 et au premier semestre 2002.

Pour la défense, les prévenus ont déjà été suffisamment punis, puisque cinq d'entre eux ont été sanctionnés en 2007 par l'Autorité des marchés financiers (AMF), pour des montants allant de 500.000 à 1,5 million d'euros pour la société elle-même.

Or une loi récente, du 21 juin 2016, a réorganisé la répression des délits boursiers afin d'éviter les doubles sanctions, à la fois au pénal et devant l'AMF.

Tout en rejetant la QPC, le tribunal a fait savoir en septembre qu'il se prononcerait sur ce problème des doubles poursuites au moment de rendre son jugement, dans plusieurs semaines.

Il n'est donc pas exclu que le procès se tienne en quelque sorte pour rien, avec un tribunal qui constaterait l'extinction de l'action publique.

- "petit Enron à la française" -

L'affaire Altran, qualifiée de "petit Enron à la française" en référence à l'un des plus grands scandales comptables de l'histoire des Etats-Unis, a tourné au ratage judiciaire avec valse des juges d'instruction et procédure bâclée.

Cela avait conduit en 2014 un tribunal à refuser purement et simplement de juger, après trois semaines de procès et un délai de quatre mois pour délibérer.

Cette décision rare, désaveu cinglant du magistrat instructeur, se justifiait selon le tribunal par des inexactitudes et erreurs dans le document renvoyant les prévenus devant lui.

Un avocat des parties civiles avait relevé en septembre dernier que l'affaire Enron, d'une ampleur bien plus grande, et qui avait éclaté peu ou prou au même moment que le scandale Altran, avait été "jugée en trois ans".

Au terme du premier procès de 2014, le parquet avait requis une peine de 3 à 4 ans d'emprisonnement avec sursis contre MM. Kniazeff et Martigny, poursuivis pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses sur les perspectives de la société, faux et usage de faux et présentation au marché de faux comptes en connaissance de cause.

Pour Me Frédéric Peltier, avocat de la société Altran, prévenue mais aussi partie civile, il ne fait pas de doute que le tribunal dira "Circulez, y'a rien à voir".

"Plus personne n'y croit, mais pour des raisons de procédure ce procès se tient", dit-il à l'AFP, ajoutant: "Qu'est-ce-que ça veut dire de poursuivre 15 ans après? La justice n'a pas fait son travail."

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