New York (awp/afp) - Le géant de la distribution en ligne Amazon va encore étendre son empire économique avec le rachat pour 13,7 milliards de dollars des supermarchés bio américains Whole Foods, qui fait face à la désaffection des consommateurs.

Cette transaction surprise symbolise la volonté d'Amazon de redessiner le paysage de l'industrie alimentaire américaine, dominé jusqu'à présent par les enseignes Wal-Mart, Costco, Target et Kroger.

"Des millions de personnes aiment Whole Foods Market parce qu'ils proposent la meilleure nourriture naturelle et bio et ils font du manger sain quelque chose de divertissant", a commenté le patron d'Amazon, Jeff Bezos.

Créée en 1980 sur le credo du commerce équitable et du manger sain, Whole Foods est présent dans trois pays (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni) avec plus de 430 magasins, mais subit depuis deux ans la désaffection des consommateurs.

L'enseigne bio faisait face aux pressions de certains de ses actionnaires, notamment du fonds activiste Jana Partners, qui lui demandaient d'accélérer sa restructuration voire d'envisager une cession, face à la concurrence accrue d'autres supermarchés moins onéreux.

Le rachat "offre l'opportunité de maximiser notre valeur pour les actionnaires de Whole Foods Market, tout en approfondissant notre mission", a commenté John Mackey, le patron et cofondateur.

Après la transaction, qui doit être finalisée pendant la deuxième moitié de l'année, Whole Foods conservera son nom et son siège à Austin (Texas, sud) et M. Mackey en restera le patron.

Avec ce rachat, Amazon va chambouler le paysage de la distribution alimentaire et étend encore son empire, après s'être lancé dans la production de séries, la livraison de nourriture, le cloud informatique et les drones.

"Whole Foods donne l'opportunité à Amazon d'être un acteur majeur dans l'industrie alimentaire sans avoir à construire à partir de rien un réseau physique", estime Neil Saunders, expert chez Global Data

Wholes Foods est la plus grosse acquisition jamais effectuée par le groupe de Jeff Bezos, qui avait déboursé 1,2 milliard de dollars en 2009 pour mettre la main sur Zappos.com et 1 milliard en 2014 pour la plateforme de streaming Twitch.

"TERRIFIANT"

Si la gestion des magasins physiques diffère du modèle mis en place par Amazon depuis ses débuts du fait d'une logistique compliquée et de coûts énormes, Amazon a commencé à construire récemment son expansion dans le segment des supermarchés traditionnels en dévoilant différents concepts.

Il a lancé Amazonfresh, un service de livraison de denrées alimentaires fraîches, a ouvert il y a peu un magasin physique sans caissiers à Seattle (nord-ouest) et teste un concept de magasin où les consommateurs pourraient juste venir chercher leurs courses commandées sur internet.

Le rachat de Whole Foods "va tout changer" pour les supermarchés traditionnels, estime Gregori Volokhine, expert chez Meeschaert Financial Services.

Un sentiment largement partagé à Wall Street, où la plupart des actions du secteur plongeaient. Le titre du numéro un mondial de la distribution Wal-Mart dégringolait de 6,22%, celui de Target de 10,37%, Costco de 6,84%. L'action Kroger, donné un temps comme le futur acquéreur de Whole Foods, chutait de 14,41%.

Amazon va "utiliser Whole Foods comme laboratoire pour essayer de transformer totalement le secteur" de la distribution de la nourriture, jusqu'à présent encore peu investi dans le commerce en ligne, a souligné M. Volokhine.

Pour les acteurs traditionnels, "c'est absolument dramatique" car "il y aura plus de compétition au niveau des prix". Or "les marges au niveau de la nourriture sont de 2%, c'est extrêmement faible", a-t-il ajouté.

Neil Saunders ajoute qu'il va leur falloir "investir davantage dans les technologies pour améliorer leurs magasins physiques et également sur leurs plates-formes en ligne pour tenir la cadence impulsée par Amazon". "C'est une perspective terrifiante", estime-t-il.

Le marché de l'industrie alimentaire est évalué à quelque 600 milliards de dollars aux Etats-Unis, selon M. Volokhine.

Pour ne pas perdre des parts de marché face aux changements d'habitudes de consommation des "Millennials" (17-35 ans), les enseignes traditionnelles avaient commencé à se réinventer en proposant davantage de produits "bio" et espéraient se prémunir des attaques des géants de la Silicon Valley.

afp/jh