Zurich (awp) - La Poste Suisse a conclu un accord avec Amazon pour la distribution des colis du portail d'e-commerce en Suisse. En prenant en charge le dédouanement à l'importation, l'accord permet au géant américain de se renforcer sur le marché helvétique, où ses ventes se chiffrent déjà en centaines de millions. Les acteurs du e-commerce helvétiques redoutent un fort impact sur leurs activités, même si certaines voix se veulent rassurantes.

Selon l'accord, en plus de l'aspect logistique, La Poste prendra en charge le dédouanement numérique des produits d'Amazon, ce qui permettra d'accélérer les délais de livraison qui pourraient être réduits à 24 heures pour certains produits. Actuellement en phase de test, les premières livraisons devraient avoir lieu dans le courant du premier semestre, a confirmé mercredi La Poste à AWP.

"Je n'avais jamais gagné un client en attirant autant d'attention et ce, avant même que les premiers colis ne soient livrés", s'est réjoui Stefan Regli, directeur des ventes et des services clientèle à La Poste. Lors de la conférence Connect, dédiée au e-commerce, le responsable a indiqué que l'accord permettra de réduire les frontières, tout en rappelant qu'Amazon vend déjà en Suisse.

L'accord avec La Poste n'est cependant pas un partenariat. "Le contrat avec Amazon est une relation client 'standard' et non un accord de coopération. Cette collaboration n'est exclusive pour aucune des parties. La Poste Suisse ne met en place aucune infrastructure logistique spéciale pour Amazon", a insisté Nathalie Dérobert Fellay, porte-parole du géant jaune. "Nous traitons Amazon comme n'importe quel autre client" a renchéri de son côté M. Regli.

Quant à savoir si l'accord avec Amazon permettra de créer des emplois, "il est encore trop tôt pour pouvoir répondre", a souligné Mme Dérobert.

Le partenariat entre La Poste et Amazon était attendu depuis quelque temps, la tenue de négociation ayant été relayée par la presse en novembre dernier.

Inquiétudes à relativiser

Les réactions du côté des professionnels du secteur sont mitigées. "La concurrence va s'accroître fortement avec les e-commerçants, mais également avec les boutiques traditionnelles", a estimé Gerrit Heinemann, professeur de management à la Haute Ecole de Niederrhein dans le cadre de la conférence Connect.

A l'inverse, pour Jan Bomholt, fondateur de Meineinkauf.ch, l'accord avec La Poste est une "no news" car l'américain vend déjà en Suisse. "Actuellement, 20'000 colis hors TVA et 3500 avec frais de douane sont livrés chaque jour en provenance d'Amazon. A titre de comparaison, Digitec en livre 60'000. Je ne m'attends pas à ce que l'accord avec La Poste change véritablement la donne, du moins dans l'immédiat", a poursuivi le responsable, qui fournit des services pour les envois internationaux.

Sur Amazon.de, 80% des produits sont vendus par des commerçants extérieurs, qui devront s'inscrire sur la liste des entreprises assujetties à la TVA dès 2019. "Les obstacles restent de taille, ce qui profite aux acteurs locaux", estime M. Bomholt.

Selon le spécialiste, les questions clés qui auraient véritablement un impact pour le e-commerce helvétique restent en suspens. "On ne sait pas encore si Amazon proposera une plateforme suisse amazon.ch avec des prix et des frais d'expédition libellés en francs suisses suisses et on ne sait pas non plus quelle solution pour les retours transfrontaliers sera mise en place", a-t-il énuméré.

ol/al