WASHINGTON, 10 août (Reuters) - Amazon a fait appel à George Orwell ce week-end dans sa bataille contre Hachette sur le prix des livres numériques aux Etats-Unis, mais le géant du commerce en ligne semble avoir cité l'écrivain anglais mal à propos.

Dans un message posté sur son site vendredi soir (http://www.readersunited.com/), Amazon réitère ses arguments en faveur d'une baisse des prix des "ebooks" et invite ses lecteurs à adresser un courriel au directeur général de Hachette USA, Michael Pietsch. A cette fin, le site livre l'adresse mail professionnelle de Pietsch et suggère aux "lecteurs unis" les points à faire valoir, sans oublier de demander à être mis en copie.

Dans son texte également adressé aux écrivains qui sont édités directement sur ses liseuses Kindle, Amazon fait un parallèle entre l'avènement du livre numérique et l'arrivée du livre de poche dans les années 1930. A l'époque, soutient-il, l'establishment littéraire et ses distributeurs étaient également nombreux à s'inquiéter des conséquences de cette innovation - et il range Orwell dans leur camp.

"'Si les éditeurs étaient un peu sensés, ils comploteraient contre eux (les livres de poche) et les feraient détruire'. Oui, George Orwell suggérait une collusion" entre éditeurs, dit le message d'Amazon.

Mais, comme le New York Times l'a relevé samedi, le géant du commerce en ligne semble avoir mal lu Orwell, qui était connu pour son combat contre le totalitarisme et à l'évidence peu enclin à prôner la destruction de livres, fussent-ils de poche.

Le propos de l'écrivain semble en fait ironique - il disait en substance que les livres de poche connaissaient un succès tel que les éditeurs qui ne s'y étaient pas mis pouvaient s'en mordre les doigts.

Amazon a trouvé la citation dans une critique de livres de poche de la maison d'édition Penguin parus dans le New English Weekly en mars 1936. Orwell y écrit : "Les livres Penguin sont splendides pour des livres qui ne valent que six pence, si splendides que si les autres éditeurs étaient un peu sensés ils comploteraient contre eux et les feraient détruire."

Orwell, surtout connu pour ses romans "1984" et "Animal Farm" (La Ferme des animaux), se montre d'ailleurs partagé sur l'avènement du livre de poche : "En qualité de lecteur, j'applaudis les livres de Penguin ; en tant qu'écrivain, je prononce l'anathème contre eux."

Dans son bras de fer avec Hachette, Amazon affirme qu'un prix de 14,99 ou 19,99 dollars pour un livre numérique est trop cher et injustifiable le plus souvent. Le distributeur fait valoir que des prix plus bas permettraient d'augmenter les ventes et donc de générer davantage de chiffre d'affaires et de droits d'auteur.

Hachette, numéro quatre de l'édition aux Etats-Unis, est une filiale du français Lagardère. (Frances Kerry, Véronique Tison pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : LAGARDERE SCA, Amazon.com, Inc.