L'action AB InBev gagnait 1,3% à 99,33 euros en fin d'après-midi à la Bourse de Bruxelles tandis que le titre SABMiller prenait 0,4% à 3.636,5 pence à Londres. L'indice européen du secteur agroalimentaire reculait de 0,25% dans le même temps.

Abattant ses cartes après avoir admis en septembre son intérêt en vue d'un tel rapprochement, dont la finalité serait notamment de se développer en Afrique, AB InBev s'est dit prêt à verser 42,15 livres par action pour mettre la main sur son concurrent. Le brasseur basé à Louvain, en Belgique, avait déjà soumis deux précédentes propositions à 38 puis 40 livres qui n'avaient pas été rendues publiques.

SABMiller a répliqué que son conseil d'administration avait unanimement rejeté cette offre, à l'exception des représentants de son principal actionnaire, le cigarettier Altria.

"Elle sous-valorise encore de manière très importante SABMiller, son implantation unique et sans équivalent, et ses perspectives autonomes", explique le groupe basé à Londres dans un communiqué.

Le président de SABMiller Jan du Plessis a qualifié son entreprise de "joyau de la couronne de l'industrie mondiale de la bière". "AB InBev a besoin de SABMiller mais a fait une proposition très opportuniste et soumise à de nombreuses conditions", a-t-il dit, en jugeant que l'offre était peu attrayante pour de nombreux actionnaires.

OFFRE ALTERNATIVE

AB InBev propose une solution alternative en titres à son offre en numéraire mais il précise qu'elle se limitera à 41% du capital de SABMiller et qu'elle est conçue avant tout pour les deux principaux actionnaires de sa cible que sont Altria et la famille Santo Domingo, qui détiennent ensemble 40,5% du deuxième brasseur mondial.

Dans ce cadre, AB InBev propose 2,37 livres en numéraire plus 0,48 titre AB InBev spécial et non coté, convertible en action ordinaire à l'issue d'une période bloquée de cinq ans.

SABMiller a relevé que cette offre alternative ne le valorisait qu'à 65 milliards de livres.

AB InBev a dit s'attendre à ce que les actionnaires de SABMiller acceptent son offre intégralement en numéraire en soulignant toutefois que celle-ci était conditionnée à l'accord d'Altria et de la famille Santo Domingo.

Altria, qui détient 26,56% de SABMiller, a dit qu'il soutenait cette proposition mais qu'il était disposé à choisir la solution alternative.

Le directeur général d'AB InBev, Carlos Brito, a déclaré qu'il n'avait en revanche pas encore le soutien de Bevco, la holding via laquelle la famille Santo Domingo détient 13,9% de SABMiller et possède deux sièges au conseil d'administration.

Exhortant les actionnaires de SABMiller à apporter leur soutien au rachat de leur entreprise, Carlos Brito a refusé d'évoquer le lancement d'une offre hostile en considérant qu'il y avait "trop à gagner au cours des prochains jours".

Pour les analystes de RBC Capital Markets, la proposition d'AB InBev n'a pas le niveau pour être "irrésistible".

Leurs homologues de Bernstein Securities jugent que l'issue la plus probable verra SABMiller accepter les approches d'AB InBev, ce qui aboutira à un relèvement de l'offre une fois passée la date-butoir, qui était fixée au 14 octobre, avant laquelle AB InBev devait dévoiler ses intentions.

PROJET DE SIÈGE À JOHANNESBURG

Si la fusion se réalise, elle créerait un titan de la brasserie fabriquant près du tiers de toute la bière consommée dans le monde. Les analystes y voient la phase ultime de la consolidation du secteur de la brasserie, dont les quatre premiers intervenants, soit AB InBev, SABMiller, Heineken et Carlsberg, assurent plus de la moitié de la production.

AB InBev, très présent aux Amériques, se renforcerait en Afrique et récupérerait des brasseries en Amérique latine et en Asie. Les marques Peroni, Grolsch, Pilsner Urquell, entre autres, de SAB Miller rejoindraient les Budweiser, Stella Artois et autre Corona d'AB InBev.

L'Afrique devrait connaître une forte hausse de la population en âge de boire de l'alcool dans les années à venir, ainsi qu'une croissance de la consommation de bière par une classe moyenne en plein essor.

Au contraire, les volumes de bière consommés ont régulièrement diminué en Europe occidentale et en Amérique du Nord ces 20 dernières années. Aux Etats-Unis en particulier, le consommateur se tourne vers des bières élaborées par de petits producteurs.

"Nous pensons que l'Afrique en particulier sera un moteur essentiel pour la nouvelle entité à l'avenir", a dit Carlos Brito.

AB InBev a annoncé son intention de se faire également coter à la Bourse de Johannesburg, où SABMiller dispose déjà d'une seconde cotation, et d'établir un siège social régional dans la capitale financière de l'Afrique du Sud.

(avec la contribution de Robert-Jan Bartunek à Bruxelles, Aastha Agnihotri à Bangalore et Martine Geller à Londres; Benoit Van Overstraeten, Wilfrid Exbrayat et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Véronique Tison)

par Philip Blenkinsop

Valeurs citées dans l'article : Altria Group Inc, ANHEUSER-BUSCH INBEV, SABMiller plc