MONTPELLIER (awp/afp) - Uber, Blablacar, Alibaba, Deliveroo, partout dans le monde, des "licornes", ces start-up valorisées à plus d'un milliard de dollars, émergent, renforçant le sentiment que la numérisation de l'économie peut profiter à tous avec pourtant, pour l'heure, un grand absent: le continent africain.

La situation diffère d'une zone à l'autre. Le Maghreb, l'Afrique du Sud, le Nigeria ou le Kenya sont en pointe, avec des géants tels que le sud-africain Naspers, spécialiste de la vidéo à la demande et du commerce en ligne, ou son compatriote MTN, premier opérateur africain en nombre d'abonnés, présent dans 16 pays du continent.

Ailleurs, et en particulier dans l'Afrique Sub-saharienne, le secteur numérique n'est pas encore très organisé et, s'il existe, reste loin de ce qui se fait dans le nord ou le sud du continent.

"Les gouvernements ont globalement conscience de l'importance de ne pas rater la révolution numérique", explique à l'AFP Sophie Lubrano, consultante à l'Idate spécialiste de l'Afrique et du Moyen-Orient, "mais une partie des financements passent encore par des organisations internationales ou des ONG".

Dans la plupart de ces pays, le réseau fixe est quasi inexistant et c'est sur la téléphonie mobile que repose une part essentielle de la transformation numérique.

Les télécoms, avec le géant sud-africain MTN ou les européens Orange et Vodafone, se retrouvent au coeur de la numérisation du continent, en offrant la capacité de connexion et en jouant un rôle d'accélérateur de start-up.

"Les opérateurs ont tout intérêt à être de +bons citoyens+ en aidant à développer le tissu local. On voit ainsi le nombre d'accélérateurs progresser, justement dans l'idée de participer à ce développement de l'économie locale", détaille à l'AFP Jean-Philippe Haag, consultant spécialiste des médias et des télécoms.

L'opérateur français Orange, présent dans 18 pays africains désormais, a ainsi mis en place un réseau d'Orange Fab, accélérateur de start-up, dans une demi-douzaine de pays de la région.

"Nous avons souvent peu à leur apprendre sur le plan technique, mais il y a plus à faire dans la structuration et la monétisation des projets, dans la mise en place des +business models+", précise Jean-Etienne Fauroux, directeur mobile multimédias au technocentre de l'opérateur à Abidjan.

Globalement, l'Afrique profite d'un marché des télécoms désormais mature, à la croissance encore supérieure aux autres continents et qui est passé directement aux dernières technologies, 3G et 4G pour le mobile, fibre optique plutôt qu'ADSL sur le fixe.

"Nous sommes pour l'instant sur un marché +low cost+ dont il faudra sortir, grâce à l'émergence de la classe moyenne. Cela reste un frein important au développement d'applications et services, au même titre que le prix des smartphones", insiste Sophie Lubrano.

- le rôle de la diaspora -

Reste que, plus que la création d'entreprises de nouvelles technologies, le numérique est vu par bon nombre d'Africains comme un outil, en particulier les réseaux sociaux, sur lesquels bascule une partie de l'économie informelle des rues.

"Toute la +collaboration+ se fait par Facebook, tous les marchés informels se transportent sur le réseau social, sous la forme de groupes, où se rassemblent des mini-communautés qui s'échangent produits et informations", explique ainsi Laurent Gille, enseignant et chercheur à Telecom ParisTech et fin connaisseur du tissu numérique africain.

De quoi permettre l'émergence d'une économie collaborative? Certains le pensent, en misant en particulier sur l'ubérisation de l'économie, qui s'adapte bien aux marchés informels.

La solution pourrait cependant venir de l'extérieur du continent, anticipe Jean-Etienne Fauroux, pour qui "la croissance de l'écosystème passera par la diaspora africaine, qui voudra créer et développer quelque chose sur le continent. Certains grands succès pourraient venir de cette diaspora".

Toutefois, la possibilité de voir émerger une licorne africaine semble encore lointaine, d'autant que, souvent, les projets qui naissent sont rachetés par de plus gros acteurs.

"Le problème de l'Afrique est le même que pour l'Europe, ils se font dominer par les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon, NDLR). Même aux Etats-Unis au final, seul Facebook a vraiment réussi à émerger ces dernières années", rappelle Laurent Gille.

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