* Le feu vert de l'UE sera soumis à conditions

* Une référence pour le financement du nucléaire dans l'UE

* Almunia voudrait régler le dossier avant de quitter la CE (Actualisé avec précisions, citations, contexte)

par Foo Yun Chee et Barbara Lewis

BRUXELLES, 17 septembre (Reuters) - La Commission européenne s'apprête à donner son feu vert à la construction par la Grande-Bretagne d'une nouvelle centrale nucléaire à Hinkley Point, un projet de 19 milliards d'euros confié au français EDF , a-t-on appris mercredi de plusieurs sources proches du dossier.

Le projet est important pour le Royaume-Uni, qui veut renouveler 20% de son parc de réacteurs nucléaires au cours de la décennie à venir, comme pour la France, qui voit dans le projet d'Hinkley Point l'occasion d'exporter ses technologies nucléaires.

D'autres pays de l'Union européenne, comme l'Allemagne, qui se désengage du nucléaire, ou la Lituanie et la Pologne, favorables à l'atome, suivent le dossier de près car il pourrait servir de référence en matière d'aides publiques dans de tels projets.

"On peut s'attendre à une décision (favorable) au cours des prochaines semaines. L'intention est d'aller de l'avant", a déclaré l'une des sources, qui a refusé de s'exprimer sur les détails du dossier.

Une source du secteur a déclaré que le commissaire à la Concurrence Joaquin Almunia adresserait prochainement une recommandation à ses collègues de l'exécutif communautaire.

"Ce sera plutôt positif pour le consortium Hinkley Point mais cette recommandation sera assortie d'un certain nombre de conditions", a ajouté la source.

Antoine Colombani, porte-parole de la Commission, a déclaré que "les discussions avec les autorités du Royaume-Uni se poursuivent", ajoutant que "l'enquête de la Commission n'est pas soumise à une date-butoir".

Les autorités britanniques et EDF ont refusé de commenter ces informations.

La décision de la Commission est source d'incertitudes depuis plusieurs mois car Londres n'a pas répondu à la totalité des interrogations de Bruxelles, exposées l'an dernier au gouvernement de David Cameron dans une lettre de 68 pages.

LA QUESTION CLÉ DES GARANTIES PUBLIQUES

Des juristes avaient estimé à l'époque que la Grande-Bretagne aurait beaucoup de mal à répondre à la totalité de ces questions.

"Le dossier est capital à la fois pour les pays pro-nucléaire et les anti-nucléaire", a dit une source de l'UE qui a requis l'anonymat.

Les sources ont expliqué que les autorités britanniques s'efforçaient de mettre rapidement la dernière main aux garanties en matière de prix de l'électricité et de prêts publics afin de permettre à Joaquin Almunia de boucler le dossier avant de quitter ses fonctions fin octobre.

Le secrétaire d'Etat à l'Energie britannique Edward Davey a rencontré le commissaire mercredi pour discuter du dossier Hinkley Point. Des sources ont déclaré que Londres avait dépêché une équipe à Bruxelles, la Commission ayant demandé des réponses définitives à ses demandes avant la fin de la semaine prochaine.

Faute de ces réponses, "le dossier ne sera pas bouclé par la Commission actuelle et il ne sera pas repris avant janvier", a dit l'une de ces sources.

La CE a ouvert une enquête sur le projet en décembre dernier en disant craindre des distorsions de concurrence si Londres faisait bénéficier EDF d'avantages indus.

La Grande-Bretagne souhaite garantir à EDF un prix de 92,50 livres sterling par mégawatt-heure pendant 35 ans, soit plus de deux fois le prix de marché actuel.

Pour la Commission, une telle garantie isolerait EDF et ses partenaires dans le projet des fluctuations du marché. En outre, le groupe public français bénéficierait d'une autre garantie d'Etat couvrant tous les prêts bancaires souscrits pour la construction de la nouvelle centrale.

Des élus et des organisations écologistes estiment que le montage financier du projet n'est conforme ni au droit communautaire, ni à l'intérêt public.

"L'accord proposé néglige le droit européen et les intérêts des consommateurs", a déclaré Andrea Carta, conseiller juridique de Greenpeace. "En outre, le gouvernement n'a pas mené une procédure d'appel d'offres transparente, ce qui devrait conduire la Commission à rejeter le projet."

Le consortium emmené par EDF compte construire deux réacteurs EPR de 1.650 mégawatts conçus par Areva qui produiront 7% environ des besoins en électricité de la Grande-Bretagne et qui seront en service 60 ans.

Les associés chinois de longue date d'EDF China General Nuclear Corporation (CGN) et China National Nuclear Corporation (CNNC) prendront une participation combinée de 30% à 40% dans le consortium et Areva aura 10%.

Areva s'est refusé à tout commentaire. Les groupes chinois n'étaient pas joignables dans l'immédiat. (Avec Gert de Clercq à Paris et Nina Chestney à Londres, Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

Valeurs citées dans l'article : AREVA, EDF