Le spécialiste public du nucléaire, contrôlé à près de 87% par l'Etat français, n'a pas détaillé l'impact de ses projets sur l'emploi, mais promet une "étroite concertation sociale" et assure qu'il mettra tout en oeuvre pour que d'éventuels départs se fassent "sur la base du volontariat".

Le ministre du Travail François Rebsamen avait auparavant déclaré que la restructuration se ferait "bien sûr sans licenciement", alors que le groupe compte deux tiers de ses 45.000 salariés en France.

Areva prévoit en outre de présenter d'ici à la publication de ses comptes semestriels fin juillet un plan de financement pour la période 2015-2017 qui inclura un programme de cessions d'actifs supérieur à 450 millions d'euros.

Ce plan passera par une refonte de sa relation industrielle avec EDF, par "des partenariats comportant un volet financier" et par un "renforcement" des fonds propres incluant potentiellement une augmentation de capital, sans que le groupe précise quels types d'investisseurs pourraient être sollicités.

"Aujourd'hui, les discussions avec EDF portent sur des points opérationnels (...) Les discussions capitalistiques interviendront si nécessaire dans un second temps", a déclaré le directeur général Philippe Knoche lors d'une conférence de presse.

"LA MAJORITÉ DES EFFORTS VIENDRA D'AREVA"

Les ministres de l'Energie, des Finances et de l'Economie ont fait savoir dans un communiqué que l'Etat examinerait "les propositions des directions générales d'EDF et d'Areva (...) en vue d'une refondation industrielle de la filière française" et prendrait "le moment venu ses responsabilités en sa qualité d'actionnaire".

Le ministre de l'Economie Emmanuel Macron a en outre indiqué au Figaro que le resserrement des liens entre Areva et EDF pourrait se traduire par "une plus grande coopération industrielle, ou aller jusqu'à un rapprochement, y compris capitalistique".

EDF n'a pas souhaité faire de commentaire.

"La majorité des efforts viendra de l'entreprise. Le renforcement des fonds propres n'est pas un dû, il faut convaincre, et nous devrons convaincre que l'investissement dans Areva sera rentable", a dit Philippe Knoche.

En Bourse, EDF accuse la plus forte baisse de l'indice CAC 40 et perd 3,33% à 23,53 euros à 13h20. Selon un vendeur actions basé à Paris, le marché craint un rapprochement avec Areva qui verrait EDF, son premier client, renflouer en partie la société. L'action Areva gagne 0,55% à 9,47 euros.

Fin 2010, une augmentation de capital d'Areva avait vu l'Etat français et le Koweït investir respectivement 300 millions et 600 millions d'euros dans la société, au prix de 32,50 euros par action.

LA CHINE, "NOUVELLE FRONTIÈRE DU NUCLÉAIRE MONDIAL"

En termes de marchés, le plan de sauvetage d'Areva prévoit un recentrage sur "le coeur des procédés nucléaires" et un renforcement des activités en Chine, considérée comme la "nouvelle frontière du nucléaire mondial" et qui représente aujourd'hui 50% de la croissance mais seulement 15% des ventes d'Areva, selon Philippe Knoche.

Du point de vue des syndicats, la CGT estime que "la direction d'Areva accuse les salariés d'être responsables de la déroute du groupe" et dénonce "l'absence totale de vision à long terme et (le) désengagement de l'Etat depuis une quinzaine d'années". La CFE-CGC demande aussi à l'Etat d'"assumer ses responsabilités et (de) mettre la main au portefeuille".

Evoquant les pistes de partenariats possibles, la CFE-CGC a également indiqué qu'Areva pourrait vendre à la Chine une partie de son projet minier géant d'Imouraren, au Niger.

Confronté à une demande atone de la part de ses clients électriciens et à des projets de réacteurs EPR en France et en Finlande qui accumulent les difficultés, Areva vise un cash-flow net positif en 2018, alors que cet indicateur de sa capacité à autofinancer ou non son développement s'est établi à -1,3 milliard d'euros l'an passé.

LA DETTE ATTEINT 5,8 MILLIARDS D'EUROS

Le cash-flow net, hors plan de compétitivité et coûts de mise en oeuvre associés, devrait s'établir entre -1,7 et -1,3 milliard d'euros en 2015, tandis que le chiffre d'affaires accusera une baisse organique d'un maximum de 5%.

Les investissements seront quant à eux réduits à moins de 3 milliards d'euros en cumul sur la période 2015-2017, contre 4,6 milliards entre 2012 et 2014.

Alors que des sources syndicales évoquaient ces derniers jours l'éventualité d'une vente pure et simple des activités dans les énergies renouvelables, Areva a confirmé ses projets d'investissement dans des projets d'éoliennes maritimes en France à travers une coentreprise avec l'espagnol Gamesa qu'il compte finaliser ce mois-ci.

Areva a enregistré en 2014 une perte opérationnelle de 2.645 millions d'euros (contre 34 millions en 2013), un excédent brut d'exploitation de 711 millions (contre 991 millions) et un chiffre d'affaires, déjà publié, de 8,33 milliards (-8,0%).

Sa perte nette part du groupe atteint 4,8 milliards d'euros. Cette perte, la quatrième consécutive, inclus notamment une nouvelle provision de 720 millions d'euros au titre de l'EPR finlandais OL3, qui connaît d'importants retards et surcoûts, ainsi que 1.460 millions de provisions pour pertes de valeur d'actifs des activités nucléaires.

La dette nette du groupe, qui n'envisage pas de dividende au titre de 2014, atteignait 5,8 milliards à fin décembre contre 4,5 milliards à fin 2013.

Une source au fait du dossier déclarait début février à Reuters qu'Areva envisageait de filialiser ses activités liées aux nouveaux projets de centrales nucléaires à l'international ainsi qu'au traitement des combustibles usés afin d'y faire entrer EDF.

Cette même source indiquait également que le plan de sauvetage prévoirait "une filialisation de certaines activités avec l'entrée de nouveaux investisseurs dans des coentreprises".

(Avec Geert de Clercq, Emmanuel Jarry, Raoul Sachs, Alexandre Boksenbaum-Granier, édité par Dominique Rodriguez)

par Benjamin Mallet

Valeurs citées dans l'article : EDF, Gamesa Corporacion Tecnologica SA, AREVA