* L'empire familial a émis pour 5 mds d'obligations au S1-sources

* Une bonne partie a fini chez Banco Espirito Santo et ses clients

par Sergio Goncalves et Laura Noonan

LISBONNE, 25 août (Reuters) - Les sociétés de la famille portugaise Espirito Santo ont émis pour cinq milliards d'euros d'obligations au premier semestre 2014 alors même que certaines d'entre elles étaient au bord de la faillite, a-t-on appris de sources au fait du dossier.

Ces obligations ont été vendues via un schéma transatlantique complexe impliquant des sociétés à Panama et en Europe, ont-elles précisé. Une bonne partie du papier a fini chez Banco Espirito Santo et ses clients, aggravant les difficultés de la banque qui a dû être recapitalisée début août.

Cette frénésie d'émissions est en cours d'examen par les autorités financières portugaises qui cherchent à établir si elle était légale, ont ajouté les sources.

Elle dit jusqu'où le clan Espirito Santo était prêt à aller pour sauver son empire, mélangeant les affaires de famille avec le sort de ce qui était alors la plus importante banque cotée du Portugal, dont il il était encore le premier actionnaire.

L'effondrement du groupe familial fondé il y a 145 ans a agité les marchés financiers internationaux et suscité une onde de choc dans la classe politique portugaise.

La justice et les autorités de régulation enquêtent sur de possibles comportements frauduleux et cherchent notamment à établir les conditions dans lesquelles ont eu lieu les émissions obligataires pendant le premier semestre, selon les sources.

Espirito Santo International (ESI), la holding de tête de la famille, est sous administration judiciaire et n'a pu être jointe pour un commentaire, pas plus qu'Espirito Santo Financial Group (ESFG), elle aussi à l'abri de ses créanciers.

Novo Banco, la nouvelle banque issue du sauvetage de Banco Espirito Santo, n'a pas non plus souhaité s'exprimer sur les émissions obligataires, rappelant toutefois de précédents communiqués assurant que tous les clients particuliers ayant acquis des obligations à très court terme des différentes sociétés Espirito Santo seraient remboursés.

CONDITIONS ATTRACTIVES

Les difficultés de la famille ont éclaté au grand jour en mai avec la révélation d'irrégularités comptables chez ESI, basée à Luxembourg. ESI avait une participation importante dans ESFG, autre holding basée à Luxembourg et elle-même gros actionnaire de Banco Espirito Santo.

Les régulateurs portugais étaient au courant des difficultés en début d'année et, selon des annonces faites plus tard, ont alors demandé à la famille de rembourser les clients de BES qui avaient acheté des obligations des différentes sociétés. BES a fait savoir de son côté que ses clients particuliers détenaient pour 1,7 milliard d'euros de dette à court terme à la fin 2013.

Invitées à rembourser les clients de la banque, les différentes sociétés du groupe ont émis de nouvelles dettes pour un montant de cinq milliards d'euros, selon les sources.

La maturité particulièrement longue de ces obligations, 40 ans, était compensée par un coupon attractif de 7% et le papier a de plus été émis avec une "énorme décote", ont-elles ajouté.

Les obligations ont d'abord été vendues à ES Bank Panama (ESBP), une filiale d'ESFG, qui les a ensuite transférées à une autre société du groupe. Elles ont ensuite été repackagées en produits financiers avec une échéance nettement raccourcie et vendues à des clients de BES, ont encore indiqué les sources.

Dans ses comptes du premier semestre, BES a fait état d'une charge de 1,1 milliard d'euros due à quatre véhicules spéciaux jusque-là inconnus et qui avaient émis des obligations à des clients de la banque. A l'époque, la Banque du Portugal a fait savoir que ces véhicules n'avaient pas été proprement comptabilisés, en violation de la réglementation financière.

Cette charge a fortement contribué à la perte de 3,6 milliards d'euros de BES au premier semestre, qui a conduit les autorités à annoncer le 3 août une recapitalisation et une réorganisation de la banque, désormais séparée entre une entité saine, Novo Banco, et une "bad bank".

La plupart des autres sociétés de la galaxie Espirito Santo, présentes notamment dans l'assurance et l'hôtellerie, ont été placées sous administration judiciaire. (Véronique Tison pour le service français, édité par Marc Joanny)