(Actualisé avec autres déclarations, précisions)

par Madeline Chambers

ISTANBUL/BERLIN, 20 juillet (Reuters) - Les autorités turques ont jugé inacceptables, jeudi, les réactions de plusieurs responsables allemands après l'arrestation de six militants des droits de l'homme en Turquie, nouvel épisode de l'escalade verbale qui oppose Berlin et Ankara depuis plusieurs mois.

Le ministère allemand des Affaires étrangères a convoqué mercredi l'ambassadeur de Turquie pour lui remettre une lettre de protestation après le maintien en détention de six militants des droits de l'homme, dont un Allemand, arrêtés début juillet à Istanbul.

Berlin a également menacé de mettre fin aux garanties publiques d'investissements d'entreprises allemandes en Turquie et a évoqué une éventuelle suspension de l'aide financière européenne versée à la Turquie.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a dit ne plus pouvoir conseiller aux entreprises allemandes d'investir dans un pays "où même des entreprises parfaitement innocentes sont jugées proches des terroristes".

"Il n'est pas acceptable de mettre le doute dans l'esprit d'investisseurs allemands en Turquie", a déclaré Ibrahim Kalin, porte-parole du président Recep Tayyip Erdogan, devant la presse à Ankara.

"Il n'est pas possible que nous acceptions de telles déclarations visant à troubler l'environnement économique en se fondant sur des motivations politiques. Nous espérons qu'ils (les Allemands) vont renoncer à cela", a-t-il poursuivi.

L'hebdomadaire Die Zeit rapportait mercredi que le gouvernement turc avait transmis à Berlin une liste de 68 entreprises allemandes accusées d'avoir des liens avec le prédicateur en exil Fethullah Gülen qui, affirme Ankara, a été l'artisan du putsch manqué de juillet 2016.

Parmi ces entreprises figure notamment le géant de l'industrie chimique BASF, qui a confirmé être sur une liste transmise par la police allemande mais n'a pas fait d'autre commentaire.

Le vice-Premier ministre turc Mehmet Simsek a déclaré que cet article était faux.

L'Allemagne est le premier marché pour les exportations de la Turquie.

D'après le quotidien Bild, l'Allemagne a également gelé les projets de ventes d'armes à la Turquie.

"INACCEPTABLES"

Le ministère turc des Affaires étrangères avait auparavant dénoncé "une interférence directe dans l'appareil judiciaire turc", ajoutant que les propos utilisés par les responsables allemands "avaient outrepassé les limites".

Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu a également accusé l'Allemagne d'abriter des responsables du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, séparatiste kurde) et de la confrérie de Fethullah Gülen, accusée par Ankara d'avoir fomenté une tentative de coup d'Etat il y a un an, ce qu'elle dément.

"Les déclarations de l'Allemagne, qui abrite le PKK et la Feto, reflètent un double langage et sont inacceptables", a dit Cavusoglu.

A Berlin, Sigmar Gabriel, qui a interrompu ses vacances pour traiter le dossier, a entretenu le contentieux entre les deux pays. Il a notamment annoncé qu'il contacterait les autres membres de l'Union européenne pour faire le point sur les aspirations de la Turquie à rejoindre le bloc communautaire.

L'idée d'une ouverture de l'union douanière européenne à la Turquie n'est à ses yeux plus envisageable, a-t-il ajouté.

"Il faut que notre politique à l'égard de la Turquie prenne une autre direction (...) nous ne pouvons pas procéder comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Nous devons être plus clairs afin que ceux qui sont aux responsabilités à Ankara comprennent que de telles pratiques ne sont pas sans conséquences".

Les autorités allemandes ont mis en garde leurs ressortissants qui seraient tentés par un voyage en Turquie, un appel qui pourrait avoir des conséquences sur le tourisme dans ce pays. Les touristes allemands représentent 10% des étrangers qui visitent chaque année la Turquie.

"Tout le monde peut être concerné. Les choses les plus absurdes sont possibles", a encore jugé Sigmar Gabriel, faisant référence au tempérament imprévisible de Recep Tayyip Erdogan. (Daren Butler, avec Madeline Chambers et Michelle Martin à Berlin, Nicolas Delame et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)