La première banque allemande a précisé que ses effectifs seraient ramenés bien en-dessous de 90.000, contre 97.000 actuellement, avec le quart des emplois de vente et de trading d'actions détruits, lesquels sont essentiellement situés à Londres et à New York, des places où la concurrence a pris la prééminence sur elle.

La banque n'a pas fourni de chiffre précis mais une source au fait du dossier a indiqué mercredi à Reuters qu'elle envisageait la suppression de 10.000 emplois.

Après un brusque remaniement de sa direction en avril, Deutsche Bank avait annoncé le mois dernier une réorganisation en profondeur de son activité de banque d'investissement, à l'issue de trois années de pertes sèches, et a dit vouloir se recentrer sur l'Europe et sur son marché intérieur.

"Nous restons attachés à notre banque de financement et d'investissement et à notre présence à l'international; nous sommes inflexibles sur ce point", a déclaré le président du directoire Christian Sewing.

Deutsche Bank a déjà licencié 600 banquiers d'affaires durant les sept dernières semaines et va réduire ses dépenses d'un milliard d'euros d'ici 2019 dans sa banque d'investissement.

"ALTERNATIVE EUROPÉENNE"

Deutsche Bank a longtemps été par défaut la source de crédits et de conseils des entreprises allemandes cherchant à se développer à l'étranger ou désireuses de lever des fonds sur les marchés d'actions et d'obligations, et ce avec le consentement tacite du gouvernement allemand.

Sewing a dit que la position de Deutsche Bank comme concurrente des poids lourds de Wall Street que sont Goldman Sachs, JPMorgan, Morgan Stanley et Bank of America, qui n'ont cessé de conforter leur domination ces dernières années, restait une préoccupation de premier plan.

"Nous sommes l'alternative européenne du financement international et des marchés de capitaux; nous devons toutefois nous concentrer sur ce que nous faisons vraiment bien", a ajouté Sewing.

Une autre grande banque européenne, BNP Paribas, a exclu jeudi, lors de son assemblée générale, toute opération de fusion-acquisition majeure en réponse à une question d'un de ses actionnaires sur un rapprochement avec Deutsche Bank.

"A un horizon visible, le groupe n'a pas l'intention d'entrer dans des opérations d'ampleur majeure parce que cela ne serait pas possible", a répondu Jean-Laurent Bonnafé, le directeur général de BNP Paribas.

Deutsche Bank a perdu du terrain face à la concurrence dans le segment banque d'investissement et ce dans toutes les régions, montrent des données de Thomson Reuters. Entre 2010 et 2017, elle est passée du huitième au dixième rang en Amérique, du sixième au quinzième en Asie-Océanie et du deuxième au troisième en Europe.

La banque a également rétrogradé dans les opérations de trésorerie, les dérivés et les services durant la même période. Sur l'ensemble du trading actions mondial, elle était classée entre les quatrième et septième places en 2010 et avait reculé entre les septième et neuvième places en 2017.

UNE PREMIÈRE INITIATIVE DÉCEVANTE

Les suppressions de poste réduiront la position d'endettement de la banque d'investissement de 100 milliards d'euros, soit de 10%, mais les analystes de KBW se disent déçus et l'action, qui a perdu plus de 30% depuis le début de l'année, lâchait encore 4% en Bourse de Francfort.

"Cela conforte notre opinion suivant laquelle une restructuration radicale mais nécessaire s'avère impossible à ce stade", écrit KBW.

"Ce qui nous inquiète, c'est sa capacité à générer de la trésorerie pour financer la croissance de l'entreprise après la restructuration", ajoute-t-il, précisant que pour réaliser son objectif d'un rendement des fonds propres retraités des survaleurs (ROTE) de 10%, la banque devrait dégager un bénéfice de six milliards d'euros, une hypothèse fort peu vraisemblable, de l'avis du courtier.

Les suppressions d'effectifs sont tout juste un début et il faudrait en savoir plus, dit un gérant d'Union Investment, qui détient des actions de la banque.

"Nous aurions apprécié des mesures concrètes lors de l'assemblée générale d'aujourd'hui", a-t-il dit à Reuters. "Nous voulons savoir de quelle manière les décisions auront un impact sur les profits".

Le président du conseil de surveillance Paul Achleitner a brutalement remplacé John Cryan par Sewing le mois dernier, cédant à la pression d'actionnaires qui trouvent que la banque ne va pas assez vite dans son redressement.

Justifiant sa décision, Achleitner a dit que le banquier américain John Thain prendrait la tête d'un nouveau comité stratégique au sein du conseil de surveillance d'un établissement qui subit également la pression des agences de notation.

(Juliette Rouillon, Catherine Mallebay-Vacqueur et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)

par Tom Sims