(Actualisation: cours de clôture des principaux indices européens et des banques, tendance à Wall Street)

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Les actions européennes ont clôturé en forte baisse vendredi, minées par les craintes d'une contagion de l'instabilité financière de la Turquie au secteur bancaire européen.

L'indice Stoxx Europe 600 a cédé 1,1%, à 385,9 points, tandis que les investisseurs se sont refugiés sur les actifs jugés les plus sûrs comme le Bund allemand.

La livre turque a chuté de 13% face au dollar. Le président américain Donald Trump a annoncé sur Twitter avoir doublé les droits de douane sur l'acier et l'aluminium turcs. "Nos relations avec la Turquie ne sont pas bonnes à l'heure actuelle", a-t-il déclaré sur le réseau social.

La devise turque avait déjà été pénalisée cette semaine par les sanctions de Washington contre des ressortissants turcs, après l'échec de négociations entre les Etats-Unis et la Turquie au sujet au sujet du pasteur américain Andrew Brunson, accusé par Ankara de terrorisme et détenu dans une prison turque.

Les déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan, vendredi à la mi-journée, ont ajouté de la pression sur la devise turque. Le dirigeant politique a exhorté ses concitoyens à changer leurs devises étrangères pour soutenir la livre turque, évoquant une "lutte nationale" contre "la guerre économique" déclarée à son pays.

Un article du Financial Times rapportant que la Banque centrale européenne (BCE) était préoccupée par l'exposition des banques européennes à l'économie turque était déjà venu ajouter de l'huile sur le feu vendredi matin. Selon le quotidien britannique, la BCE craindrait que des emprunteurs turcs ne se soient pas couverts contre la chute de la livre et fassent défaut sur leurs emprunts libellés en devises étrangères, qui constituent environ 40% du bilan des banques turques.

La BCE surveille la situation en Turquie et est en contact avec les banques de la zone euro concernant leur exposition au pays, a indiqué une personne proche du dossier au Wall Street Journal. Si les craintes de la BCE ne sont pas trop élevées à ce stade, l'institution est attentive aux répercussions éventuelles pour les banques de la zone euro de la chute de la livre turque et de l'évolution globale de l'économie turque, a précisé cette personne.

Directement citées par le Financial Times, BNP Paribas, BBVA et UniCredit ont respectivement perdu 3%, 5,2% et 4,7%. Les autres banques européennes n'ont pas échappé à ce coup de semonce, Deutsche Bank abandonnant 4,1% et Crédit Agricole cédant 2,1%.

La chute des banques a pesé sur l'ensemble des indices européens: le CAC 40 a cédé 1,6%, le DAX 30 a perdu 2% et le FTSE Mib s'est replié de 2,5%. Un peu moins affectée, la Bourse de Londres a effacé 1%.

Aux Etats-Unis, Wall Street a également ouvert en baisse mais semble mieux résister, le Dow Jones cédant 0,5% et le Nasdaq 0,6%. Les marchés américains profitent du rapatriement de capitaux en provenance des pays émergents, ce qui pourrait encourager Donald Trump à poursuivre son bras de fer commercial avec la Chine notamment.

Une exposition à l'économie turque à relativiser

L'euro cède 1% face au billet vert, à 1,1410 dollar. Signe d'inquiétudes sur le marché, les rendements des obligations allemandes évoluent à leur plus bas niveau depuis trois semaines en raison d'une fuite vers les actifs sûrs, souligne Commerzbank. Le rendement du Bund à 10 ans s'inscrit actuellement à 0,34%.

"Pendant quelques jours, les marchés internationaux ont observé le plongeon de la livre turque avec plus de curiosité que d'inquiétude, semblant considérer qu'il ne s'agissait que du problème de la Turquie", indique Sean Callow, stratégiste devises chez Westpac. "C'est en train de changer", ajoute-t-il.

Néanmoins, l'exposition des banques du continent à la Turquie est relativisée par les intermédiaires de marché. "Il reste peu probable que les répercussions liées à la Turquie amènent le volume de crédit à se tarir dans une région de la zone euro", juge Carsten Hesse, économiste chez Berenberg. Selon ses calculs, si la zone euro venait à réduire ses exportations de 20%, cela retirerait à peine 0,1 point du produit intérieur brut (PIB) de l'ensemble de l'union monétaire.

"Il est vrai que la Turquie constitue une exposition pour les banques européennes mais les pertes seraient limitées", souligne de son côté Christian Parisot, responsable de la recherche actions chez Aurel BGC. "Le vrai problème est qu'il y a actuellement une succession d'éléments négatifs sur les pays émergents et sur les changes liés à ces pays, avec des craintes sur la Turquie mais aussi sur le rouble russe, sur la vigueur de la croissance chinoise dans un contexte de tensions commerciales, ou encore sur le Brésil", ajoute-t-il.

Les investisseurs craignent également que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, menace l'indépendance de la banque centrale du pays. Cette dernière a laissé ses taux d'intérêt inchangés le mois dernier et "de nombreux investisseurs pensent que les pressions politiques l'empêchent de prendre les mesures nécessaires", renchérit Jörg Krämer, économiste en chef chez Commerzbank, dans une note publiée vendredi.

-Julien Marion, François Schott et Valérie Venck, Agefi-DowJones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: VLV-ACD-GLB

(Tom Fairless, Mike Bird et Ben St. Clair, The Wall Street Journal, ont contribué à cet article)

Agefi-Dow Jones The financial newswire