La Suisse n'est pas en récession, rappelle Marc Brütsch, chef économiste du groupe Swiss Life, à Zurich. Vendredi 28 août, le pays a publié un PIB en hausse de 0,2% au deuxième trimestre. Au premier trimestre, le PIB de la Confédération helvétique avait reculé de 0,2%.

Pour l'économiste, le chiffre de vendredi constitue plutôt une bonne surprise car la plupart des économistes interrogés attendaient officiellement la publication d'un PIB légèrement négatif, ce qui mécaniquement aurait constitué l'entrée en récession du pays (deux trimestres consécutifs de baisse du PIB). Il attendait de son côté un chiffre stable.

La reprise européenne produit donc ses effets sur l'économie suisse. L'impact de la décision de la Banque nationale suisse (BNS) du 15 janvier 2015 semble également estompé. Pour rappel, la BNS avait décidé de mettre fin brutalement au taux plancher de 1,20 franc Suisse par rapport à l'euro, une mesure instaurée en septembre 2011 pour limiter l'appréciation de la devise helvétique par rapport à la monnaie européenne.

Le maintien de ce taux plancher s'avérait de plus en plus difficile pour la BNS alors que la BCE s'apprêtait à lancer son plan de quantitative easing (QE), observe Marc Brütsch. En injectant des avalanches de liquidités sur les marchés pour stimuler le crédit en zone euro, la Banque centrale européenne poussait la devise européenne à la baisse et aurait rendu le maintien de ce taux plancher plus délicat. Il faut également rappeler que cet arrimage à l'euro rencontrait de vives critiques de la part de la population et des forces vives du pays. Certaines entreprises suisses réalisent une partie substantielle de leur activité en dollars américains ou en livres sterlings et se retrouvaient pénalisées par cette parité forcée du franc suisse « collé » à l'euro. Un sondage avait montré que 56% des Suisses approuvaient la fin de cette parité fixe.

Par ailleurs poursuit Marc Brütsch, l'amélioration de la situation économique en Europe rendait la suppression de la mesure plus facile à prendre. Plus personne au début de l'année ne tablait sur un retour de la récession en Europe, ce qui limitait le risque de chute de la devise européenne par rapport au franc suisse.

Depuis la suppression de ce taux plancher forcé, la devise helvétique ne s'est apprécié que d'environ 10% par rapport à l'euro. Cette appréciation de la devise a entraîné une baisse des prix des biens importés, facteur déflationniste, mais elle a renchéri les exportations du pays. Les importations de la Suisse vers la zone euro dépassant les exportations, l'appréciation de la monnaie helvétique a donc produit certains effets positifs sur l'économie et sur les marges des entreprises suisses. La Suisse est habituée depuis les années 1970 à connaître une appréciation régulière de sa devise, compte tenu de la stabilité du pays et en l'absence de tensions inflationnistes. Les entreprises suisses doivent composer avec une monnaie chère en améliorant sans cesse leur productivité.

Pour Marc Brütsch, la bonne surprise du deuxième trimestre est venue un peu plus tôt qu'il ne l'avait anticipé mais dans les proportions qu'il avait calculées pour le premier semestre. Aussi cela nous amène à réviser en hausse notre prévision de croissance du PIB cette année à 0,8% (vs. 0,6% auparavant).

Toutefois, Swiss Life considère que la prudence s'impose et que la Suisse pourrait connaître en 2016 une croissance plus faible. Le contexte international a changé même si les conséquences du ralentissement chinois sur l'économie suisse devraient être limitées. En revanche, la Suisse devrait souffrir d'une légère hausse du chômage. Il anticipe désormais +0,7% de croissance pour l'an prochain. A ce titre, Swiss Life est plus pessimiste que le consensus des économistes qui table sur une croissance de +1,2%.