* Le Boeing a été abattu dans l'est de l'Ukraine en 2014

* Aucun survivant sur les 298 personnes à bord

* Moscou dit n'avoir aucune responsabilité dans l'affaire (Actualisé avec commentaires, précisions)

par Toby Sterling et Anthony Deutsch

NIEUWEGEIN, Pays-Bas, 28 septembre (Reuters) - Le Boeing 777 de la compagnie Malaysia Airlines a abattu en 2014 au-dessus de l'est de l'Ukraine a été touché par un missile Buk de fabrication russe tiré d'un village ukrainien tenu par les séparatistes prorusses, ont annoncé mercredi les procureurs internationaux qui ont enquêté sur le sujet.

Ces conclusions vont à l'encontre de la position de la Russie qui a suggéré que le vol MH17, qui effectuait la liaison entre Amsterdam et Kuala Lumpur, avait été touché par l'armée ukrainienne, ce 17 juillet 2014. Aucun des 298 passagers et membres d'équipage n'a survécu. La plupart étaient de nationalité néerlandaise.

Plusieurs milliers d'enregistrements, de témoignages et d'examens des légistes ont permis de parvenir à ces conclusions au terme d'une enquête qui aura duré plus de deux ans.

Trois points ressortent, ont précisé les procureurs qui sont néerlandais, australien, belge, malaisien et ukrainien : l'avion a été touché par un missile Buk-9M38 de fabrication russe; le missile a été tiré de Pervomaïsk, village tenu par les séparatistes prorusses dans l'est de l'Ukraine; le lanceur a été transporté de Russie en Ukraine et y a ensuite été ramené.

"Ce lanceur Buk venait du territoire de la Fédération de Russie et, après le lancement, il a été renvoyé sur le territoire de la Fédération russe", a déclaré Wilbert Paulissen, enquêteur en chef de la police nationale néerlandaise.

Pour le gouvernement ukrainien, les résultats de l'enquête vont dans le sens d'une "implication directe" de la Russie, laquelle a toujours nié sa responsabilité ou celle des rebelles pro-russes.

Le ministère russe de la Défense a mis en doute mercredi l'"objectivité" des conclusions de l'enquête, en disant qu'elle était principalement fondée sur deux sources principales : internet et les services secrets ukrainiens.

Aucun système de défense aérien n'est jamais arrivé de Russie en Ukraine, a affirmé le porte-parole du ministère, Igor Konachenkov.

APPEL À TÉMOINS

Une heure environ avant le début de la conférence de presse, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait annoncé que des enregistrements radar de l'armée russe avaient "identifié tous les objets volants qui pourraient avoir été lancés ou étaient dans l'air au-dessus du territoire contrôlé par les rebelles à ce moment-là."

"Les données sont claires : il n'y a pas de roquette. S'il y avait eu une roquette, elle ne pourrait avoir été tirée que d'ailleurs", a déclaré Dmitri Peskov.

Les enquêteurs ont dit ne pas avoir eu accès aux images radar sur lesquelles Moscou base ses déclarations, mais qu'ils seraient heureux de les inclure dans leur rapport.

Le fabricant des missiles Buk, Almaz-Antey, a déclaré que le projectile avait été tiré de territoires tenus par l'armée ukrainienne.

Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a appelé la Russie à "collaborer pleinement" à l'enquête, qui va maintenant s'orienter vers l'identification de suspects précis.

Les procureurs ont dit avoir identifié 100 personnes jugées dignes d'intérêt pour l'enquête.

"Nous savons assez exactement ce qu'a été le rôle et la position d'un certain nombre d'entre eux, par exemple ceux qui ont organisé l'arrivée du missile et qui étaient chargés du transport ce jour-là", a déclaré Fred Westerbeke, l'un des procureurs néerlandais

"Nous savons exactement ce qui s'est passé mais l'enquête se poursuit pour savoir qui dirigeait exactement l'opération et si cela a été fait intentionnellement", a-t-il ajouté.

Il n'a rien voulu dire sur la nationalité des éventuels suspects. Il a appelé les témoins à se présenter pour permettre de déterminer qui a ordonné d'abattre l'avion.

Une enquête civile sur les causes de l'accident conduite par le Bureau néerlandais d'enquête (OVV) a également conclu l'an dernier que l'avion de ligne avait été détruit par un missile Buk de fabrication russe tiré de l'est de l'Ukraine, mais n'a pas dit qui l'avait tiré.

Les forces gouvernementales ukrainiennes étaient alors engagées dans de violents combats avec les séparatistes pro-russes. Le Boeing 777 s'est disloqué en vol et ses débris ont été éparpillés sur plusieurs kilomètres, en territoire rebelle.

Les familles des victimes se montrent sceptiques sur l'issue de l'enquête. Certains estiment que la Russie ne remettra jamais volontairement un suspect et qu'il n'y aura pas de procès. (Avec Alexander Winning et Anton Zverev à Moscou; Jean-Stéphane Brosse, Henri-Pierre André, Jean-Philippe Lefief et Danielle Rouquié pour le service français)