Les élus de la centaine de communes adhérentes du syndicat se sont prononcés en faveur d'une résiliation anticipée du service avant la fin du contrat avec le groupe Bolloré en 2023, lors d'un conseil présidé par Catherine Baratti-Elbaz.

Le service Autolib' ne sera "ni repris en régie par le syndicat, ni confié par convention de délégation de service public à un autre délégataire", précise la délibération du SAVM.

La mise en place de nouveaux services d'autopartage à l'échelle du Grand Paris est à l'étude, notamment des offres en "free floating" - sans espace dédié pour prendre ou ramener un véhicule - portées à 100% par des acteurs privés.

Lancé en 2011, le service Autolib', qui compte près de 150.000 abonnés actifs, a vu sa trajectoire financière dérailler au fil de problèmes dans la gestion du parc de voitures, d'un nombre de locations insuffisant et de l'émergence de moyens de transports alternatifs, dont les services de VTC comme Uber.

Pour éponger le déficit, le groupe Bolloré demande à Paris et aux communes de banlieue 233 millions d'euros sur environ 293 millions d'euros de pertes attendues d'ici 2023, un chiffre contesté par le syndicat mixte.

Les élus ont entériné jeudi la proposition du syndicat de "refuser de procéder au versement de la compensation financière demandée par le délégataire".

LE SYNDICAT DÉNONCE UN ULTIMATUM

La présidente du syndicat a estimé à "moins de 100 millions d'euros" le coût de la résiliation, qui comprendra notamment le rachat des bornes sans logiciel au groupe Bolloré à hauteur de 15 millions d'euros.

La présidente d'Autolib' Marie Bolloré anticipe un arrêt du service dès réception par le groupe de la notification de résiliation.

"Nous étions d'accord pour arrêter fin 2019, ce qui aurait permis une transition d'un an pour les usagers et les collaborateurs", a-t-elle déclaré mercredi sur franceinfo.

"On ne peut pas dire que le succès commercial n'est pas au rendez-vous", a-t-elle dit, accusant le SAVM d'être à l'origine de la rupture des négociations pour sauver le service.

Le groupe Bolloré a immédiatement annoncé qu'il allait contester la décision devant la justice.

"On va continuer à se battre, n'écoutez surtout pas les balivernes du syndicat, sachez que nous irons au tribunal administratif et que nous obtiendrons beaucoup d'argent, je pense que c'est comme ça que ça va se terminer", a déclaré à la presse Gilles Alix, président d'Autolib' SAS, à l'issue du conseil syndical.

"Ce soir c'est une grande tristesse pour le service (...) et les contribuables", a-t-il déclaré.

Le SAVM juge au contraire que le calendrier a été imposé par le groupe Bolloré.

"Le groupe Bolloré a rendu la résiliation inéluctable car automatique" en cas de non paiement, a estimé devant les élus la vice-présidente du syndicat, Christine Bruneau.

LE COUTEAU DE BOLLORÉ ET LE REVOLVER D'HIDALGO

Dans un courrier du 25 mai, "le groupe Bolloré posait un ultimatum aux élus locaux : sans réponse positive des communes dans un délai d'un mois (25 juin), le contrat serait automatiquement résilié et le service Autolib' s'arrêterait", rapportent les élus du bureau syndical dans un communiqué.

"Le Syndicat (a) proposé au délégataire de repousser de quelques mois l'arrêt effectif du service dans l'intérêt des usagers et des salariés dont il a la responsabilité, ce que le groupe Bolloré a refusé", précisent-ils.

Le SAVM demande en outre au groupe Bolloré de "veiller à ce que les 254 salariés de la SA Autolib', dont il a l'entière responsabilité, soient reclassés rapidement dans d'autres filiales du groupe". Ces derniers se sont réunis jeudi devant la mairie du 12e arrondissement où avait lieu le conseil syndical pour protester contre l'arrêt brutal du service.

Si elle a été votée, la résiliation ne fait cependant pas l'unanimité auprès des élus, qui ont déploré pour certains un vote à contrecoeur, après des décisions prises à huis clos entre le groupe Bolloré et la mairie.

"Si nous avons le sentiment de voter avec le couteau de Bolloré sur la gorge, j'ai aussi le sentiment de voter avec le revolver de madame Hidalgo sur la tempe", a déclaré Arnaud Gibert, adjoint au maire de Bezons (Val-d'Oise).

Une analyse réfutée par l'adjoint au logement de la mairie de Paris, Christophe Najdovski : "S'il y a bien une brutalité, elle est du fait de la société Autolib', de son ultimatum qui nous oblige aujourd'hui à voter cette délibération".

(Edité par Yves Clarisse)

par Julie Carriat