"Le CAC 40 a signé lundi sa plus mauvaise entame depuis 1987 (-2,5%), malgré des indicateurs macroéconomiques plutôt positifs en zone euro. Comment expliquez-vous la fébrilité du marché en ce début d’année ?
La prudence dont font preuve les investisseurs s’explique par un environnement encore incertain en ce début d’année. Même si l’économie européenne semble résiliente, les signaux en provenance de Chine et d’un certain nombre de pays producteurs de matières premières restent négatifs. Les prévisions de croissance mondiale ont été revues en nette baisse ces derniers mois, avec pour 2016 une croissance attendue autour de 3,3% contre 3% environ en 2015. Le contexte géopolitique, notamment au Moyen-Orient, pèse sur les marchés. Enfin un certain nombre d’incertitudes entourent les politiques monétaires. Le relèvement des taux de la Fed en décembre a marqué une inflexion de la politique monétaire américaine. Mais la Réserve fédérale ne veut pas prendre le risque de relever trop rapidement ses taux car elle sait que cela a une influence sur le dollar et sur la compétitivité des entreprises américaines. Tout cela brouille quelque peu l’horizon. Malgré cela nous sommes plutôt optimistes quant à la poursuite de la hausse des marchés actions en 2016 même si la volatilité devrait perdurer au premier semestre.

Les valeurs moyennes ont particulièrement bien performé en 2015. Le fonds Tocqueville PME que vous gérez affiche une performance de 25% sur l’année écoulée contre une hausse de 8,5% pour le CAC 40. Comment s’explique cet écart ?
L’écart de performance s’explique principalement par une dynamique de résultats plus solide pour les valeurs moyennes européennes : leurs bénéfices ont progressé de 10% en 2015 contre une hausse de 5 à 7% pour les grandes capitalisations. Les prévisions pour 2016 pointent vers une accentuation de cet écart. Quant à l’écart de valorisation (les valeurs moyennes se paient aujourd’hui plus cher que les ‘large cap’, ndlr), il devrait s’atténuer. Si l’on prend les estimations pour 2017, les valorisations des small&mid cap sont inférieures à leur moyenne historique et à celle des large cap. 

Quels secteurs ont le mieux performé en 2015 ?
Les secteurs ayant le plus contribué à la performance sont les télécom, les services informatiques et les services à l’industrie. Les deux premiers, des secteurs domestiques, ont été relativement épargnés par le ralentissement de l’économie mondiale, tandis que le troisième a bénéficié du redressement de l’activité manufacturière française et européenne. En revanche, les financières et les parapétrolières ont nettement sous-performé.

Sur quels secteurs misez-vous pour 2016 ?
Il y a encore des opportunités intéressantes dans les secteurs les plus en vue car en croissance, notamment celui des technologies de l’information et celui du développement durable (gestion de l’eau et des déchets, énergies renouvelables). Mais il faut aussi s’intéresser aux secteurs aujourd'hui désertés. Les banques, par exemple, ont un potentiel de revalorisation avec la reprise du crédit dans la zone euro. Les banques françaises répondent très largement aux exigences de la BCE en termes de fonds propres ce qui devrait dissiper les craintes de les voir procéder à des augmentations de capital ou à des réductions de dividende cette année. Enfin la hausse des taux aux Etats-Unis va permettre aux établissements présents sur le marché américain d’y reconstituer leurs marges.
Le secteur pétrolier et parapétrolier constitue encore à ce stade un pari, tant les prévisions sont mauvaises. Beaucoup d’analystes pensent que 2016 sera pire que 2015. Mais il faut se rappeler le consensus très négatif qui prévalait en 2009-2010 dans le secteur automobile, et dans l’aéronautique, qui sont sortis plus rapidement que prévu de l’ornière et ont tiré la performance des marchés ces dernières années. Je pense que la même chose pourrait se produire dans le secteur pétrolier dont les valorisations sont aujourd’hui au plus bas.

Les fusions-acquisitions ont battu un nouveau record, à plus de 5000 milliards de dollars, en 2015 dans le monde. C’est l’un des principaux axes d’investissement de votre fonds Odyssée. Cette thématique est-elle toujours d’actualité sur les marchés européens ?

Tout à fait. Les mouvements de consolidations sont loin d’être terminés notamment dans la pharma, la chimie ou encore les services informatiques. Ils se poursuivent également dans les télécoms avec les discussions en cours entre Orange et Bouygues. Ce rapprochement pourrait permettre d’enrayer le déclin du revenu moyen par utilisateur comme cela s’est produit dans d’autres pays. A terme le secteur devrait connaître une vague de concentration transnationale avec des rapprochements au niveau européen, par exemple entre Deutsche Telekom et le néerlandais KPN, entre Orange et Telecom Italia. Ces grandes manœuvres ne sont pas prévues avant 2017 ou 2018 mais il n’est pas exclu que le mouvement s’accélère.

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