"Plusieurs grandes entreprises américaines (Google, Amazon, Microsoft, Goldman Sachs, etc.) ont exprimé leurs inquiétudes face aux mesures anti-immigration prises par Donald Trump. Quelles conséquences ces mesures ont-elles pour l'économie américaine ?
Le décret anti-immigration peut désorganiser certaines activités au sein des grandes entreprises américaines qui emploient beaucoup d'étrangers ou de bi-nationaux. Quant au durcissement des contrôles frontaliers avec le Mexique et à la 'border tax', ils pourraient impacter l'économie américaine de façon plus importante encore. Je rappelle que des centaines de milliers de gens franchissent la frontière tous les jours pour aller travailler, notamment en Californie. D'où l'inquiétude des chefs d'entreprise. Cependant il faut relativiser la portée de ces premières mesures. Le décret anti-immigration est valable 90 jours. Il devra ensuite être confirmé par une loi. Vu les réactions d'indignation qu'il suscite aux Etats-Unis et à l'étranger, il n'est pas certain que le Congrès lui donne force de loi. D'autres mesures comme la renégociation du traité de libre-échange nord-américain ne seront pas mises en œuvre avant plusieurs mois, si elles le sont. Pour l'heure, la politique économique de Donald Trump repose beaucoup sur des effets d'annonce via Twitter.

L'inquiétude semble avoir gagné Wall Street où le Dow Jones ne progresse plus depuis son record de 20 000 points. Doit-on craindre un retournement des marchés actions ?
Certes le Dow Jones est au plus haut et le nouveau président américain se montre imprévisible. Il peut y avoir des corrections temporaires mais je ne crois pas à un retournement des marchés à court terme. Au contraire les mesures fiscales et budgétaires promises par Donald Trump pourraient conduire à une appréciation significative de la bourse américaine. Je pense notamment aux incitations fiscales à rapatrier une partie des bénéfices qui dorment à l'étranger - on parle de 2000 à 3000 milliards de dollars. Ces flux de capitaux, qui pourraient durer plusieurs mois voire plusieurs années, alimenteront les dividendes et les rachats d'actions aux Etats-Unis. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'impact du programme d'investissement dans les infrastructures.
Cependant, les marchés commencent à intégrer un certain nombre de risques. On observe une augmentation de la volatilité longue, avec des achats de "puts" plus nombreux pour se prémunir d'une éventuelle baisse de marché à moyen-long terme. De la même façon sur le marché obligataire, on pourrait avoir une augmentation significative des taux longs américains par rapport aux niveaux actuels, encore très bas.

Quid des réactions internationales ? Donald Trump ne risque-t-il pas de déclencher une guerre commerciale mondiale ?

Les surenchères protectionnistes aboutissent toujours à des catastrophes économiques et politiques. Pour un pays comme le Mexique, très dépendant des Etats-Unis, il serait dangereux de se lancer dans une telle surenchère. De même pour la Chine qui, bien qu'elle détienne une partie de la dette américaine, n'a pas intérêt à vendre ses titres en provoquant la dépréciation de leur valeur et une baisse du dollar. Seul l'Iran peut se permettre, si j'ose dire, d'appliquer des représailles car ils ont très peu de relations économiques avec les Etats-Unis pour des raisons historiques. Quant à l'Europe elle risque d'avoir du mal à se mettre d'accord, même sans le Royaume-Uni, sur les mesures à mettre en oeuvre. J'ajoute que les premières victimes des taxes imposées par Trump seront les consommateurs américains. Dans un contexte reflationniste et de hausse des taux d'intérêt, c'est une politique dangereuse d'abord pour les Etats-Unis.
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