7 mai (Reuters) - Réactions d'économistes et de gérants après l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République française.

DAVID ZAHN, RESPONSABLE DE LA GESTION OBLIGATAIRE EUROPEENNE (FRANKLIN TEMPLETON)

"La victoire très attendue de Macron devrait être reçue positivement par les marchés, au moins à court terme.

"Toutefois, nous nous attendons à ce que très rapidement la pression s'accroisse sur Macron pour qu'il précise la manière dont il entend gouverner. Jusqu'à présent, nous n'avons eu qu'une esquisse très succincte de ce qu'il prévoit de faire.

"Beaucoup dépendra des résultats des élections législatives."

David Zahn a aussi souligné qu'il y avait assez peu d'éléments dans le programme d'Emmanuel Macron montrant qu'il pourrait réduire significativement le déficit public de la France et maîtriser le niveau élevé de l'endettement public.

"Cela n'est pas bon pour les fondamentaux à long terme de la France. A moyen terme, nous nous attendons à ce que les obligations françaises puissent à nouveau être bradées une fois que les gens auront enfin synthétisé toutes les implications de la victoire de Macron.

"Pour le moment, les marchés sont dirigés par la politique. Une fois que les investisseurs auront dépassé cela, je pense que les obligations gouvernementales françaises pourraient sous-performer."

Au regard de l'important déficit des comptes courants et du niveau élevé de l'endettement public français, les écarts de rendement entre les obligations françaises et allemandes pourraient augmenter, estime David Zahn.

PAUL LAMBERT, GERANT DU FONDS ABSOLUTE CURRENCY (INSIGHT)

"Je ne suis pas certain qu'il y aura une réaction très importante parce que l'essentiel de la prime de risque a été résorbée après le premier tour. Si vous regardez où l'euro/dollar devrait se situer par rapport aux écarts de rendements obligataires, il est plus ou moins là où il devrait être.

"Ce sera toutefois un soulagement pour les marchés et en Europe cela devrait calmer les inquiétudes des investisseurs sur des événements à venir comme l'élection italienne qui suscitent une certaine nervosité. Nous avons eu l'élection hollandaise, l'élection autrichienne et l'élection française dont l'issue était redoutée mais il apparait que, dans l'ensemble, les Européens ne sont pas aussi sceptiques que l'on pouvait le craindre. Je m'attends à une réaction mitigée, un petit renforcement supplémentaire de l'euro, un petit resserrement supplémentaire des écarts de rendements obligataires entre la France et l'Allemagne, mais je n'anticipe pas un mouvement très important."

VINCENT JUVYNS, STRATEGISTE (JP MORGAN ASET MANAGEMENT)

"D'abord, le résultat est conforme aux attentes, peut-être un peu au-dessus. Cela était déjà bien pris en compte par le marché si l'on considère le CAC 40, les valeurs bancaires et l'euro.

"Donc, cela a été bien pris en compte après le premier tour. Nous avons aussi eu de bons indicateurs macroéconomiques, qui montrent que la zone euro va mieux.

"Tout cela annonce une bonne performance des actifs financiers européens, probablement plus pour les actions que pour les obligations. Les écarts entre les rendements obligataires se sont déjà réduits après le premier tour. Le fait que le risque politique ait diminué pourrait faire converger les investisseurs internationaux vers l'Europe.

"Il y a des nuances à apporte. Le pays est divisé et la participation a été faible. C'est une victoire pour Macron mais il devra gagner les coeurs des Français et remporter les élections législatives pour mettre en oeuvre des réformes."

PETER HENSMAN, STRATEGISTE (BNY MELLON IM)

"L?étiquette centriste et pro-européenne d?Emmanuel Macron est particulièrement bien perçue par les investisseurs, de même que la perspective de réformes favorables aux marchés, qui pourraient venir assouplir certaines règles du marché du travail en France.

"Alors que l?effet positif d?une victoire d?Emmanuel Macron a probablement déjà été intégré par les marchés, nombreux sont ceux qui pourraient anticiper une nouvelle reprise suite à ce résultat.

"L?euro devrait ressortir comme le grand gagnant de l?issue du vote, compte tenu de la dispersion des craintes relatives à la montée du populisme et au risque d?une propagation de ce phénomène dans les Etats périphériques.

"L?absence de soutien parlementaire en faveur de Macron pourrait constituer désormais son principal défi. Après avoir lancé son propre mouvement En Marche!, il ne dispose pas à ce jour de député à l?Assemblée qui pourrait mener son programme à bien, ce qui fait des législatives prévues les 11 et 18 juin un moment décisif pour la suite politique et pour le devenir de son projet."

ADRIEN PICHOUD, ECONOMISTE (SYZ ASSET MANAGEMENT)

"Avec la dissipation du risque 'existentiel' des élections françaises et la perspective d?une Banque centrale européenne graduellement moins accommodante, la monnaie unique semble appelée à se renforcer, en particulier contre le dollar américain si la Fed doit revoir ses ambitions à la baisse en raison d?une économie américaine moins dynamique qu?attendu.

"La perspective d?un arrêt progressif de l'assouplissement quantitatif de la BCE sur fond de croissance économique positive devrait pousser les taux d?intérêt à long terme européens à la hausse, en particulier les taux allemands qui ont pu bénéficier, jusqu?aux élections françaises, d?un statut de valeur refuge.

"Les taux gouvernementaux français, italiens ou espagnols pourraient quant à eux bénéficier d?une diminution de la prime de risque politique et subir moins fortement ces pressions haussières.

"Les marchés actions européens devraient bénéficier de cette dissipation de la prime de risque politique dans les prochains mois. Mais pas tous les secteurs ! Les financières et les valeurs orientées vers le marché intérieur européen seront les principales bénéficiaires de l?actuelle dynamique économique et devraient enregistrer un mouvement de rattrapage des valorisations. En revanche, les entreprises ayant une exposition importante en dehors de la zone euro risquent d?être pénalisées par le renforcement de la monnaie unique."

LAURENCE BOONE, RESPONSABLE DE LA RECHERCE ET DE LA STRATEGIE D'INVESTISSEMENT (AXA IM)

"Les marchés financiers avaient tablé sur un tel résultat, car la dynamique de hausse suite au 'soulagement' à l?issue du premier tour s?était poursuivie.

"Ce positionnement confiant des marchés implique qu?un rallye devrait se matérialiser sur les marchés rapidement, d?une ampleur modérée.

"L?attention des marchés devrait rapidement se porter sur le stimulus budgétaire et une potentielle déréglementation financière aux Etats-Unis, sur la politique de la Fed face au cycle américain, puis sur mouvements de la BCE alors que l?économie de la zone euro continue de se consolider.

"Il faudra attendre les élections législatives, les 11 et 18 juin, pour que le programme économique et européen de la France soit totalement précisé, même si l?écart large entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen suggère qu?une majorité parlementaire pour En Marche ! est possible et que le programme d?Emmanuel Macron devrait être mis en ?uvre rapidement, notamment la réforme sur le marché du travail à l'été."

BILL STREET, RESPONSABLE DES INVESTISSEMENTS EMEA (STATE STREET)

"La victoire d'Emmanuel Macron va donner aux marchés un répit bien mérité par rapport à la situation politique en Europe. Ce résultat, avec l'accord préliminaire de la semaine dernière sur la dette grecque, sera suffisant pour soutenir un rebond de soulagement à court terme.

"Pour la suite, Macron n'offre que des surprises positives. Dans un scénario où il ne se passe rien, nous avons le statu quo de la paralysie politique mais avec un environnement extérieur favorable et une amélioration constante de la croissance. Dans le scénario le plus favorable, Macron obtient une majorité au Parlement et construit un partenariat avec l'Allemagne pour lancer des réformes significatives. Cela donnerait une forte impulsion aux marchés d'ici la fin de l'année, qui n'est pour l'instant pas intégrée dans les cours. Dans un scénario comme dans l'autre, nous pourrions constater une nouvelle prise en compte dans les prix de marché d'une accélération de la normalisation de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, en particulier si les indicateurs économiques continuent à impressionner."

PHILIPPE WAECHTER, ECONOMISTE (NATIXIS ASSET MANAGEMENT)

"Le risque sur les marchés c'est que l'on 'vende le fait après avoir acheté la rumeur' parce que tout le monde avait déjà joué une victoire de Macron ces derniers temps.

Maintenant, les marchés vont regarder les élections législatives bien sûr. Les sondages jusqu'à présent lui donnent une majorité, ce qui lui faciliterait les choses. Les Français sont légitimistes et devraient donner au président-élu une majorité.

"Nous regarderons aussi attentivement le choix du Premier ministre, c'est cela qui sera le plus important à court terme. Il n'a donné aucune indication sur qui cela pourrait être.

"Il est clair au vu des résultats que la participation n'a pas été très élevée et que la société française est fragmentée. Dans l'immédiat, l'un des devoirs de Macron va être de réconcilier la France avec elle-même."

DIEGO ISCARO, ECONOMISTE (IHS MARKIT)

"Pour la deuxième fois en quinze jours, les marchés financiers vont pousser un soupir de soulagement collectif après les résultats de l'élection (présidentielle) française. Si la victoire de Macron était très largement attendue par les intervenants de marché, nous continuons d'anticiper un renforcement de l'euro dans les premières transactions. La victoire de Macron devrait aussi soutenir les cours des actions et des obligations française.

"Toutefois, l'attention va maintenant se tourner vers les élections législatives à venir et l'effet du 'rallye de soulagement' sera vraisemblablement temporaire si Macron n'obtient pas le soutien nécessaire à l'Assemblée nationale pour mettre en oeuvre ses politiques."

(Jemima Kelly à Londres, Marc Joanny avec Blandine Hénault, pour le service français)