"Les prévisions économiques européennes 2013 démontrent à nouveau que le moteur de la croissance est grippé (- 0,3% en Europe, + 0,1% pour la France). Nous sommes dans un moment de notre histoire économique porteur de profondes mutations où nous nous interrogeons : Faut-il réinventer la croissance ? Faut-il repenser notre modèle économique de développement pour faire face aux engagements du passé (remboursement de la dette) mais aussi et surtout pour construire un devenir à nouveau générateur d’une croissance susceptible de répondre à nos enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux : emploi et employabilité (travailler plus mais surtout travailler mieux), santé, éducation, énergie, retraite, évolution culturelle de l’«avoir plus » au « vivre mieux et autrement».

Il est désormais indispensable de nous appuyer sur le déploiement de tout le potentiel de notre capital humain, et tout particulièrement de notre capital féminin. Or, ce capital féminin n’est pas suffisamment valorisé, ce qui génère un manque à gagner de croissance et de création d’emplois. Comment optimiser ce gisement de richesse, voilà le challenge !

Si de tels enjeux dépassent la seule parité au sein du Conseil d’Administration, objectif stratégique principal de l’Association des Femmes Diplômées d’Expertise Comptable Administrateurs (AFECA) et de la Fédération Femmes Administrateurs (FFA), celle-ci est la partie émergée de l’iceberg : elle doit impulser une dynamique de parité, pour les différents « cercles de croissance » (entreprises dans leur ensemble, filières, territoires, économie). En effet, la parité au sein des Conseils d’administration répond à des enjeux structurels de gouvernance et contribue au mouvement vers les évolutions structurelles économiques et sociétales nécessaires. Elle impacte en effet trois leviers fondateurs de notre développement : la croissance, la compétitivité, la confiance.

Parité et performance du Conseil d’Administration

e Conseil d’Administration, lieu privilégié du débat stratégique sur le modèle de développement de l’entreprise, fait face à une exigence croissante de performance, dans un environnement de compétition renforcée, de complexité des affaires et de montée des risques financiers et extra financiers. La parité peut et doit jouer un rôle catalyseur sur les leviers de performance du Conseil : la qualité de sa composition, l’efficience de son fonctionnement, la professionnalisation du métier d’administrateur. En réponse à la nature des enjeux stratégiques de l’entreprise, l’optimisation de la composition du Conseil, qui relève essentiellement de la diversité, donne à la diversité de genre une place importante, reconnue par le législateur français.

Le CAC 40 a atteint en avance le seuil de 20% fixé par la loi


La loi Copé-Zimmermann a permis une accélération notable de la présence des femmes au sein des Conseils de grands groupes:

- Le CAC 40, avec 24,33% (vs 11% en 2009), a atteint en avance le premier seuil de 20% fixé par la loi (27 groupes au-dessus de ce seuil), même s’il existe des disparités significatives entre sociétés,
- Le SBF 120 est à 22,49% dont 73 sociétés déjà au-delà des 20%.

Cette progression rapide permet à la France de surperformer la moyenne européenne de 16% ainsi que, en rattrapant son retard initial, le FTSE (11,8% en 2009 et 17,3% en 2013) et le DJIA (21% en 2009 et 22% en 2013). La diversité de genre, qui semble décroître avec la taille, ressort inférieure dans les mid et small caps se situant autour de 19%. Il reste une marge de progression d’environ 900 postes à pourvoir d’ici 2017. Nous avons l’ambition de prendre une part du « marché » des mandats d’administrateurs dans ce type de sociétés moyennes, avec lesquelles les femmes experts-comptables d’AFECA, comme les autres professions libérales représentées dans la FFA, sont en forte proximité au travers de notre réseau territorial (animé par nos Présidentes Régionales), d’autant que notre Observatoire de la Parité effectue une veille qui leur est dédiée.

Toutefois, nous souhaitons promouvoir la diversité au sens large comme levier de performance du Conseil: nous soutenons que la diversité de genre est une opportunité de diversité des compétences. Les travaux du Conseil requièrent un besoin croissant d’expertise (hard skills) accru en période de crise : la capacité d’analyse des enjeux stratégiques, le savoir-faire en analyse des risques, la maîtrise de l’information comptable et financière et maintenant extra financière, la connaissance des opérations structurantes de croissance interne ou externe (fusions & acquisitions). C’est tout l’intérêt de la pluridisciplinarité Finance et Droit des expertises proposée par les associations membres de la FFA pour une participation à valeur ajoutée au conseil. Cette stratégie est en ligne avec l’évolution en cours des profils recrutés : les nominations 2012 comptent plus de 43% de profils experts. A terme, la structure des profils au sein du Conseil pourrait être bousculée ! Au regard de l’efficience du fonctionnement du Conseil, cette évolution serait favorablement accentuée par:

Dix-sept sociétés du CAC 40 ne comptent aucune femme dans leur comité de nomination 


- La participation des femmes aux Comités du Conseil : Comité d’audit (où les experts-comptables seraient particulièrement légitimes), Comité des rémunérations, et surtout Comité des nominations (organe clé pour l’orientation de la composition du Conseil). Or, il reste encore 17 sociétés du CAC 40 ne comptant aucune femme dans leur comité de nomination,
- En synergie avec les « hard skills », la reconnaissance de l’importance des « soft skills », pour la qualité du processus de débat et décision du Conseil, ces savoir-être comportementaux où les femmes peuvent exprimer de réels talents :
> la capacité des administrateurs à coopérer en plateforme d’intelligence collective de plus en plus diverse tout en préservant la collégialité des décisions,
> la capacité du Conseil à créer du lien en interne avec les dirigeants et les fonctions techniques nécessaires à ses travaux (CFO, Audit interne, Contrôle de Gestion…) et à l’extérieur avec les actionnaires, les parties prenantes.
Etre administrateur devient un métier, qui se professionnalise, ce qui pourrait faciliter une double dynamique de promotion du capital féminin par le recrutement d’administrateur:
- Par voie externe : d’où l’importance des réseaux de femmes comme les nôtres pour développer la visibilité des viviers de compétences pour les postes d’administrateur indépendant profil « expert/spécialiste »,
- Par voie interne : avec l’enrichissement par des actions de promotion interne de profils féminins vers les hauts niveaux décisionnels de l’entreprise, pour candidater avec légitimité des fonctions d’administrateur profil Exécutif.

Face à l’évolution d’une gouvernance de compliance (respect formel de critères de composition et fonctionnement) vers une gouvernance des comportements (efficience du conseil privilégiée), le capital féminin du Conseil est un facteur de performance : pour être en mesure de délivrer ce « gender dividend », nous avons mis en place des stratégies de formation de nos membres :
- A la fonction d’administrateur : formation qualifiante (CFPC) ou certifiante (IFA/Sciences Po),
- Au savoir-être en collectif décisionnel : offre de coaching adaptée aux besoins du Conseil.

Parité, Capital féminin et croissance durable

Au niveau micro-économique de l’entreprise, le Conseil doit être un territoire d’exemplarité pour la parité à tous les niveaux de responsabilité opérationnelle et fonctionnelle de l’entreprise. Là, du chemin reste à parcourir : la pyramide du capital humain est encore déséquilibrée en matière de genre. On observe une sous- représentation féminine dans:
- les hauts organes décisionnels de l’entreprise : 5% Président du Conseil d’Administration, 16% Président du Conseil de Surveillance, 3% PDG, 3% Directeur Général, 5% Président du Directoire3,
- les Comités Exécutifs : 8% de femmes
- l’encadrement : 30% de femmes
Or, plusieurs études internationales démontrent que les entreprises, où la proportion de femmes dans des postes à responsabilité est la plus élevée, ont enregistré des performances meilleures tant organisationnelles (taux de marge supérieurs) que financières (valorisation boursière plus importante). Nous avons des marges d’optimisation de :
- notre potentiel de leadership et de création d’emplois: seulement 12% de femmes parmi les chefs d’entreprise de plus de 50 salariés, alors que 85% des emplois sont créés par des entreprises de taille petite et moyenne,
- nos gisements de créativité : uniquement 25% de femmes créateurs d’entreprises ;

Au niveau macro-économique européen, alors que les femmes représentent 44% de la population active, plus de 50% des diplômés, environ la moitié des achats de voitures et d’ordinateurs, des actionnaires et des patrimoines financiers, elles sont pénalisées par différents facteurs :
- un taux d’emploi inférieur (62% femmes vs 75% hommes),
- des écarts de rémunération (16,2% d’écart avec 70% des faibles salaires pour les femmes),
- la faible présence de femmes dans les secteurs liés à la croissance du futur ou les start-ups,
- une sur représentation dans les contrats de travail à temps partiel ou temporaires (75% des contrats temps partiel),
- l’absence d’environnement de services adapté (notamment pour les enfants),
- accès non équitable à diverses disciplines (éducation, formation, université),
- déséquilibre face au chômage pour les femmes juniors comme seniors. L’enjeu des retraites (allongement de l’âge de la retraite) ne devrait pas se réfléchir sans une politique d’allongement du temps de travail des seniors, notamment femmes. En Finlande, le taux d’emploi des 60-64 ans est de 42% avec égalité entre hommes et femmes … le résultat d’une politique menée avec détermination sur une quinzaine d’années.

Pour générer le potentiel de croissance durable et d’emplois attendus, une politique de diversité relève d’une vision holistique autour:
- d’un package intégrant tous ces leviers de valorisation du capital féminin d’un pays, correspondant aux fondamentaux long terme de croissance : la parité au sein du Conseil fait partie de ce système en interdépendance avec les autres facteurs, et nos associations partagent cette approche solidaire,
- d’une intégration dans cette dynamique de chaque secteur de l’économie : les entreprises privées, le public (mouvement porté par la loi Sauvadet4), l’économie sociale et solidaire, d’où l’importance pour la FFA de fédérer des associations du secteur privé et public.

D’ailleurs, le lien entre capital féminin et croissance est désormais reconnu au niveau européen :
- d’après les travaux de l’EESC (European Economic and Social Committee), une meilleure optimisation du capital féminin pourrait conduire à un écart du PIB Européen de 27%,
- doivent se renforcer mutuellement, car complémentaires, le plan stratégique européen de croissance à l’horizon 2020 et la Stratégie 2011-2020 pour l’égalité entre les hommes et les femmes (laquelle intègre expressément la place des femmes dans les conseils d’administration).

Parité, Capital féminin et compétitivité «par le haut »

Au moment où deux-tiers de la croissance est captée dans les pays émergents, où la Chine vient de déloger le Japon à la place du 2ème PIB mondial, les entreprises françaises et européennes doivent reconquérir leur compétitivité, face à une concurrence mondialisée. Le capital féminin doit jouer un rôle déterminant dans l’atteinte de cet objectif et nos associations se mobilisent autour de cette ambition:
- Avec un poids approprié au Conseil et dans les hauts organes décisionnels de l’entreprise, nous avons une force d’orientation du business model stratégique,
- Nous pouvons faire valoir nos convictions, après trop de financiarisation et de court termisme, pour une croissance « fraîche » et une compétitivité d’une autre nature en résonnance avec les valeurs féminines:
> une croissance plus durable, combinant mieux court et long terme: la vision long terme doit peser dans les débats du Conseil et la diversité des profils est un atout essentiel pour la qualité du processus de décision stratégique. Selon certaines analyses, les femmes apportent reconnaissance des signaux faibles (sens de la prospective), logique inductive (complémentaire d’une approche déductive) et portent bien les enjeux du long terme,
> une compétitivité équilibrant une approche coûts (dont on connait les enjeux) et hors coûts, plus qualitative, « par le haut ». Le redressement productif, c’est la capacité qu’auront les entreprises à enrichir leur offre de produits ou services en investissant dans des actifs stratégiques de nature immatérielle5 générant des avantages compétitifs différenciants: le capital humain, l’innovation, les marques, la réputation, le capital relationnel avec les clients, les fournisseurs, les parties prenantes. L’innovation doit irriguer les travaux du Conseil : d’après certains experts, les femmes ne craignent pas la complexité et ont une posture face aux risques complémentaire. Les qualités féminines reconnues (sens du contact et de l’écoute, sens du collectif, acceptation de l’altérité) sont des atouts, car l’innovation doit être captée autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise,
> une croissance plus éthique car inclusive des parties prenantes et porteuse de sens et de cohésion sociale : la performance économique ne se décline pas sans performance sociale et sociétale dans un processus de valeur co-créée avec les parties prenantes. Les hommes ne sont pas centres de coûts ou variables d’ajustement mais des générateurs de valeur. Des études ont montré une corrélation positive entre la proportion élevée de femmes dans les hauts niveaux décisionnels de l’entreprise et la qualité de la gouvernance et de l’éthique.

La gouvernance au sein du Conseil devient plus cognitive, face aux enjeux de transformation durable de l’entreprise, et relève de l’intelligence collective. Dans ce nouvel environnement, le capital féminin est un atout indispensable pour une évolution réussie vers un nouveau modèle de croissance et de compétitivité.

Parité, Capital féminin, Gouvernance et confiance

Travailler le modèle économique ne suffit pas : il faut aussi développer une gouvernance de la croissance. Au-delà de la parité au Conseil, nos associations sont donc mobilisées pour diffuser les bonnes pratiques de gouvernance dans leur ensemble. Car, construire la gouvernance, c’est construire la confiance, cette institution invisible qui fonde le développement économique des entreprises, des organisations et des économies, selon une équation simple : la confiance, c’est le crédit. Le crédit, c’est l’investissement. L’investissement, c’est la croissance. La croissance, c’est l’emploi.

La qualité de la gouvernance de l’entreprise est elle-même devenue facteur de compétitivité6 comme d’attractivité contribuant à la réputation d’une entreprise et plus largement d’un pays et à sa capacité à nouer des relations durables de confiance avec ses partenaires, ainsi qu’à lever les financements nécessaires à sa croissance. La Banque Mondiale vient d’intégrer la gouvernance dans ses critères d’analyse du climat des affaires par pays, de même que les Conseillers Français du Commerce Extérieur. La parité doit trouver sa place dans l’éco système de la gouvernance : Il ne suffit pas d’avoir une bonne « corporate governance » (ou gouvernance d’entreprises) avec le bon niveau de parité, il faut aussi une bonne « market governance » (gouvernance de marché) où la parité est reconnue et valorisée par :
- les entreprises elles-mêmes, dans leur niveau de transparence vis-à-vis des marchés notamment leur communication financière et extra financière (rapport sur la gouvernance pour le Conseil, objectifs/actions, suivi des réalisations pour l’entreprise),
- les investisseurs, au travers de :
> l’engagement actionnarial : faire savoir que la parité va peser dans leur politique de vote, intégrer la parité dans leurs questions lors des échanges en dehors de l’Assemblée Générale avec les entreprises,
> les méthodologies de diagnostic et de valorisation : intégrer la parité dans les critères de valorisation de l’entreprise (ce qui se développe au travers des critères ESG),
- les institutions de marché (autorités de marché ou institutions boursières), par leur fonction de veille et de recommandations : l’AMF, dans son rapport sur la gouvernance des sociétés cotées, intègre dans sa grille d’analyse le critère de la diversité, notamment de genre,
- les acteurs du secteur public :
> au niveau macro-économique, la crise nous a démontré à quel point nous avions besoin d’une gouvernance renforcée et solidaire des Etats et des organismes internationaux,
> plus opérationnellement, la parité pourrait constituer un critère de sélection des partenaires et fournisseurs dans le cadre des appels d’offre publics.
Les tiers de confiance comme les professions libérales, représentées dans nos associations, apportent dans ces relations de marché une valeur ajoutée autant par leur déontologie que leur expertise : elles sont souvent des médiateurs entre les financeurs et les entreprises. Elles capitalisent ainsi une expérience et des bonnes pratiques qui pourraient être utiles dans le cadre des travaux du Conseil.

Vers l’entreprise du futur

La parité est un levier de croissance durable, de compétitivité qualitative « par le haut », d’attractivité et de confiance. Si nous avons beaucoup insisté sur ces impacts économiques et financiers de la parité, ce n’est pas sans méconnaître combien l’évolution des paradigmes psychologiques et culturels conditionne ces retours favorables. La toile de fond de notre sujet est l’éternel jeu de la recherche d’un équilibre entre le yin et le yang, qui doit aussi s’incarner en chacun de nous comme dans nos organisations. C’est le prix de la sérénité personnelle et de l’harmonie environnementale.

Dans ce contexte, pour une gouvernance au service de toutes les dimensions (économique et sociale) de la performance de l’entreprise, l’Association des Femmes Diplômées d’Expertise Comptable Administrateurs, comme la FFA, dont elle est membre, souhaitent être force de proposition et d’action. Nous sommes évidemment conscientes que nos efforts sont bien modestes par rapport à de tels enjeux mais nous souhaiterions jouer notre rôle dans l’écosystème de la diversité. Nous savons que nous taillons une pierre de petite taille mais nous le faisons avec conviction et détermination, parce qu’elle va contribuer à construire une cathédrale : l’entreprise du futur, le modèle de croissance de demain.

Objectifs de l'Association des Femmes Diplômées d'Expertise Comptable Administrateurs (AFECA) :
- Valoriser le capital féminin expert-comptable au service de la croissance et de la compétitivité des entreprises et des organisations
- Contribuer à une gouvernance levier de performance économique et sociale de l’entreprise
- Intégrer la dynamique des réseaux nationaux et européens, sur la valorisation de la parité et du capital féminin
Organisation de l’Association :
- Deux Co Présidentes : Marie-Ange Andrieux et Corinne de Séverac,
- Des Présidentes Régionales pour chacune des 22 délégations régionales de l’Association,
- 850 membres au 31 décembre 2012
Activités de l’Association :
- Disponibles sur le blog http://www.femmes-experts-comptables.com/

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