"Vous avez présenté ce mardi les principales conclusions de votre dernière enquête 2017, « les Français, l’épargne et la retraite ». Que doit-on retenir sur le plan de la fiscalité ?
Tout d’abord que les Français ne sont pas forcément opposés à la réinstauration d’un prélèvement libératoire. Cependant un taux de 30%, comme celui proposé par le candidat Emmanuel Macron, est jugé par une grande majorité des répondants comme excessif. Seulement 6% sont favorables à ce taux.
66% des sondés préfèrent un taux de 15%. 28% sont pour un statu quo, autrement dit l’assujettissement des revenus de l’épargne au barème de l’impôt sur le revenu.

Le consensus ne parait pas évident s’agissant d’une réforme de l’impôt sur la fortune…

Effectivement. Les Français sont extrêmement partagés sur l’ISF. 56% des sondés pensent que c’est un bon impôt et même 24% pensent qu’il faut l’augmenter. quand 32% penchent pour le statu quo. 44 % veulent soit le supprimer, soit le réduire ( respectivement 18 et 26 %).
Ces résultats sont assez cohérents car seulement 350 000 personnes sont assujetties à l’ISF dans l’Hexagone.
Il est à noter que nous retrouvons une partition politique logique sur le sujet. Les personnes de gauche et du front national affichant le souhait de maintenir en état ou d'alourdir cet impôt quand les partisans de la droite et du mouvement en marche ! sont plus enclins à le diminuer.

Un autre aspect que vous abordez dans votre enquête concerne la donation ?
67% des Français demandent des mesures spécifiques en faveur de la donation. Il y a en cela une réelle volonté de transmettre son patrimoine de son vivant. Il n’y a pas de distinction entre les préférences partisanes et les générations. Etrangement ce sont les jeunes de 18 à 25 ans qui sont le plus opposés à ces mesures.

Une question concerne l’alignement de la CSG des retraités sur la CSG des actifs…
Les Français sont peu favorables à cet alignement. L’impératif d’équité ne l’emporte pas dans les esprits. Seulement 13% des répondants sont favorables à un alignement. 49% sont pour un statu quo. 38% consentent à un alignement s’il ne concerne que les retraités les plus riches.
A titre de rappel, les retraités ne paient pas de CSG s’ils ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu, sont soumis à un taux de 3,8% s’ils sont faiblement imposés, et à un taux de 6,6% s’ils sont normalement imposés. Le taux de CSG des actifs est quant à lui de 7,5%.

Le classement 2017 n’est pas modifié s’agissant des produits financiers préférés des Français...
On retrouve sur le podium l’immobilier locatif, pour 68%. Suit derrière l’assurance vie, avec 59%. Cette dernière connait une baisse de 3 points qui s’explique sans doute par le contexte actuel : l’affaiblissement du rendement des fonds euro, la loi Sapin 2, la fiscalité désavantageuse.

On constate en revanche une remontée de l’appétit pour les actions. 38% des Français jugent ce support intéressant et qui se place sur la troisième marche du podium. Cela représente une augmentation de 9 points par rapport à 2016. C’est la plus forte progression observée depuis le début de l’étude.
Chez les détenteurs de produits financiers, 45% avancent un certain engouement pour les actions. Chez ceux qui ont un PEA, la proportion monte à deux tiers.

Comment expliquez-vous une telle progression ?
En premier lieu, par la bonne performance affichée par la classe d’actifs ces derniers mois en absolu et en relatif par rapport aux autres produits comme les fonds euros. Par ailleurs, historiquement plus on s’éloigne d’une crise financière, plus l’inclination pour les actions est importante. En cela, on peut penser que les craintes découlant de la crise de 2008-2009 ou 2011-2012 commencent à s’estomper. Enfin, la pédagogie en faveur des produits finançant l'économie réelle commence à payer.

Cette appétence pour les actions ne se retrouve pas dans les unités de compte ?
En effet lorsque l’on demande aux Français s’ils préfèrent les fonds en euro ou les unités de compte, ces derniers mettent en avant les fonds en euro. 41% contre 18%.

Comment expliquez-vous ce décalage ?
Par un manque de connaissance sur ce que sont les unités de compte. Une certaine assimilation entre unités de compte et assurance vie en euros est faite dans les esprits. Comme l’assurance vie en euros est peu rentable, les fonds en unités de compte sont également jugées peu attractifs.

Quels enseignement tirez-vous de vos questions sur la thématique de la retraite ?
Les Français demeurent favorables à l’épargne retraite : PERP, PERCO, Préfon, contrat Madelin…. Mais, la crise réduit les capacités d'épargne à long terme : 54 % des Français déclaraient épargner pour leur retraite en 2017 contre 57 % en 2015. La baisse est plus significative chez ceux qui disent épargner régulièrement. On passe de 13% à 9%. Les Français veulent une épargne disponible et liquide. S’engager sur le long terme leur semble être de plus en plus difficile.Dans le même temps, 71% des Français déclarent que leur pension sera ou est insuffisante. Ce taux est de 79% pour les non retraités et de 50% pour les retraités. Il y a donc une vraie angoisse sur l’avenir, à l’instar des années précédentes.
En matière de réforme des retraites, 67% des Français sont opposés à une accélération du calendrier sur l’allongement de la durée de cotisation, donc pour passer à 43 ans plus rapidement que prévu. 60% des sondés sont contre le report de l’âge légal à 65 ans. L’augmentation des cotisations est rejetée majoritairement (65%). Une infime minorité est prête à accepter un diminution des pensions (5 %).

En revanche, 70% des Français voient d’un bon œil la mise en place d’un régime unique des retraites, avec en sous-jacent la fusion du régime général et des régimes spéciaux de la fonction publique. A ce titre, 61% souhaitent la suppression des régimes spéciaux.
Les Français qui ont les revenus les plus modestes, qui sont employés ou ouvriers, sont moins complaisants à l’égard de la suppression des régimes sociaux. Il y a le sentiment que cette suppression équivaudrait à la remis en cause d’acquis sociaux et la crainte d’être les prochains sur la liste.

Une dernière dimension de votre enquête concerne la dépendance ?
Les Français souhaitentt que ce soit la sécurité sociale qui prennent en charge la dépendance et que ce dernier poste relève de la solidarité nationale de l’ensemble de la population.

In fine, quels faits marquants retiennent particulièrement votre attention dans cette enquête 2017 ?
Au-delà de la montée de l’appétit pour les actions, il y a le fait que plus de Français jugent aucun produit d’épargne intéressant. On passe de 22% à 29%. L'effet baisse de rendement joue certainement et la prise de risque reste difficile. Les Français ne veulent pas trop de changement en ce qui concerne la fiscalité de l'épargne. On est attaché à un certain statu quo sur la fiscalité. Seulement 22% veulent bien que le gouvernement durcisse la fiscalité des produits d’épargne les moins risqués et assouplissent les produits d’épargne les plus risqués. Cette position est cohérente avec la préférence donnée aux fonds en euros par rapport aux fonds en unités de compte. S'il y a un frémissement sur les actions, il reste du travail afin que les Français adoptent complètement ce type de placement."