par Jonathan Stempel et Dominique Vidalon

NEW YORK, 6 novembre (Reuters) - Une vidéo montre un homme accusé de s'être fait passer pour un journaliste du Wall Street Journal afin d'obtenir des informations de la société d'analyse financière Muddy Waters et peut-être aussi pour en savoir plus sur ses intentions envers Casino.

En décembre 2015, Muddy Waters, créée par l'investisseur américain Carson Block, avait publié une note dans laquelle elle estimait que les comptes de Casino masquaient une forte détérioration des activités du groupe et un endettement élevé.

La note avait provoqué un plongeon de l'action du distributeur français en Bourse.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) enquête sur ce dossier, avait indiqué une source à Reuters le 30 novembre 2016, en examinant tant la communication financière de Casino que l'éventualité d'une manipulation de cours par Muddy Waters.

Muddy Waters est un "short-seller", c'est-à-dire que la société vend des actions qu'elle a empruntées, espérant les racheter plus tard à un cours bien plus bas. Muddy Waters et d'autres "short-sellers" publient parfois des notes d'études négatives sur les sociétés vis-à-vis desquelles ils sont à découvert.

La vidéo, que Reuters a consultée, montre une réunion qui s'est tenue le 30 octobre dans un hôtel de Manhattan et est liée à une plainte déposée le 1er novembre par Muddy Waters pour contraindre Google à l'aider à identifier une personne ayant utilisé de fausses identités sur la messagerie gmail afin de tenter de découvrir sa stratégie concernant Casino.

Muddy Waters accuse "John Does 1-5" de s'être fait passer pour le journaliste du WSJ William Horobin et pour un enquêteur de l'AMF afin d'en savoir plus sur Carson Block et ses intentions. D'après le Wall Street Journal, cet homme s'appelle Jean-Charles Brisard, un expert en intelligence économique.

Ce dernier est souvent apparu à la télévision et l'homme de la vidéo lui ressemble, au vu du portrait de Brisard figurant sur son site. (http://jean-charles-brisard.com/)

Ce dernier n'a pu être joint par Reuters dans l'immédiat. Jean-Charles Brisard s'est refusé à dire au WSJ si c'était bien lui qui apparaissait sur la vidéo ou s'il travaillait pour Casino.

Dans la vidéo, l'imposteur admet qu'il n'est pas William Horobin, déclarant à Carson Block qu'il s'est fait passer pour le journaliste "parce que je voulais vous rencontrer ; il n'y a aucun autre moyen de vous rencontrer".

"Donc Casino ne vous pas a payé pour faire ça ?", demande Block.

"Non, non. Pas du tout, pas du tout", répond l'imposteur, qui s'en va lorsque Carson Block lui laisse entendre que ce qu'il a en tête "semble assez évident".

"Casino a déjà subi de nombreuses accusations calomnieuses de cette société dans le passé", a déclaré lundi une porte-parole de Casino, faisant référence à Muddy Waters.

"J’insiste sur le fait que Casino a déjà subi de nombreuses attaques injustes de Muddy Waters dans les deux dernières années. Cette accusation constitue une nouvelle et faible tentative de déstabiliser le groupe par Muddy et de détourner l’attention des actes illégaux commis par MW en France", a-t-elle ajouté.

"Casino n’a jamais agi en utilisant des procédés illicites. Il n’a même jamais demandé ou autorisé qui que ce soit à agir en utilisant des procédés illicites. Nous n’avons pas à détailler la nature des relations professionnelles de Casino avec des tiers, qui relèvent du secret des affaires", a encore déclaré la porte-parole de Casino.

Carson Block déclare dans un courriel : "L'emploi par la société d'enquêteurs qui se font passer pour des journalistes et des responsables gouvernementaux montre à quel point la direction fait fi de toute éthique et toute règle ; tout cela sent la tentative désespérée".

Le WSJ écrit de son côté que William Horobin n'a pas cherché à contacter Muddy Waters.

(Avec Pascale Denis à Paris, Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Dominique Rodriguez)

Valeurs citées dans l'article : Casino Guichard-Perrachon, Alphabet