New York (awp/afp) - Le magnat des médias et des télécoms français Patrick Drahi veut casser sa tirelire pour racheter Charter Communications, deuxième câblo-opérateur américain dont la valorisation boursière approche les 120 milliards de dollars.

Altice, le groupe de M. Drahi, étudie actuellement une offre pour Charter, dont l'une des marques commerciales les plus connues est Spectrum, ex-Time Warner Cable, ont indiqué mercredi à l'AFP des sources bancaires.

Le propriétaire de l'opérateur télécoms français SFR n'a pas encore fait de proposition formelle, ont ajouté ces sources sous couvert d'anonymat. Ces manoeuvres ont lieu au moment où le secteur du câble comme celui de la télévision, aux marges lucratives aux Etats-Unis, sont bouleversés par la vidéo en ligne à la demande, qui oblige câblo-opérateurs et groupes de médias à changer pour répondre à la croissance de la demande en très haut débit avec l'explosion de la vidéo en flux (streaming) et de l'usage des smartphones comme écrans principaux.

Sollicités par l'AFP, Altice et Charter se sont refusés à tout commentaire.

S'il parvient à mettre la main sur Charter, Patrick Drahi, qui est à la tête d'un empire comprenant la chaîne de télévision française BFM TV et les journaux L'Express et Libération, deviendrait, avec Comcast (NBC), le visage du câble américain.

- Grosse proie -

Charter Communications est une grosse proie: sa capitalisation boursière était de 118,25 milliards de dollars mercredi et la valeur totale de l'entreprise atteint les 200 milliards une fois ajoutée la dette (60 milliards). Altice est estimée pour sa part à 90 milliards de dollars.

Ce ne serait toutefois pas la première fois qu'Altice s'attaquerait à un groupe plus grand que lui: en 2014 il avait racheté, via Numericable, SFR dont le chiffre d'affaires était plus de dix fois supérieur.

Patrick Drahi entretient également de bonnes relations avec John Malone, le "roi" du câble américain, premier actionnaire de Charter via son groupe Liberty Media.

Le qualifiant d'"ami" et de "génie", M. Malone estime que le milliardaire français "prend avantage de taux d'intérêts faibles" pour bâtir son groupe à coup d'acquisitions. M. Drahi a toujours présenté M. Malone comme son "mentor".

Une des questions qui se pose est de savoir comment Altice va financer l'acquisition de Charter. Par endettement? Source récurrente d'interrogations dans la communauté financière, la dette d'Altice s'élevait à 49,23 milliards d'euros au 30 juin.

La stratégie d'Altice a toujours été de s'endetter auprès d'investisseurs en quête de placements avec de hauts rendements pour financer son développement. M. Drahi s'attèle ensuite à une réduction drastique des coûts pour améliorer la rentabilité des actifs rachetés, générer des liquidités et rembourser la dette.

Lors du rachat du câblo-opérateur américain Cablevision (Optimum) pour 17,7 milliards de dollars en 2015, Altice s'était engagé à générer 900 millions de dollars de synergies. Le groupe a dépassé cet objectif en à peine un an, a indiqué à l'AFP une source proche.

- Concurrence -

Charter permettrait à Altice de devenir non seulement un câblo-opérateur de premier plan aux Etats-Unis, mais aussi de réaliser d'importantes synergies au moment où le groupe investit des milliards de dollars dans la fibre optique et d'autres technologies.

Une entité Altice-Charter aurait aussi un levier important dans les négociations avec les groupes de médias pour la distribution de leurs contenus.

Le groupe du milliardaire français n'est toutefois pas seul sur les rangs. Charter a rejeté récemment l'idée d'une fusion avec l'opérateur de téléphonie mobile américain Sprint, mais Softbank, sa maison mère et propriété du milliardaire japonais Masayoshi Son, étudierait une offre publique d'achat (OPA), selon la presse américaine.

L'intérêt de Patrick Drahi pour Charter traduit ses ambitions de s'imposer aux Etats-Unis, après avoir oeuvré à la consolidation des télécoms et du câble en France, au Portugal (Portugal Telecom) et en Israël (opérateur Hot).

A terme, les Etats-Unis, deuxième contributeur au chiffre d'affaires d'Altice, deviendrait le premier marché du groupe.

Outre Cablevision, Altice USA, la filiale américaine, comprend le câblo-opérateur Suddenlink. Elle s'apprête à lancer une "box" unique, un produit non existant sur le marché américain qui pourrait lui gagner de nouveaux abonnés, quelques semaines seulement après avoir fait une entrée remarquée en Bourse en juin. Le titre s'échangeait mercredi 3,3% au-dessus de son prix d'introduction.

afp/rp