Zurich (awp) - Credit Suisse a vu rejetée par le ministère public tessinois son opposition à la qualité de partie plaignante de clients italiens qui ont porté plainte pour violation du secret bancaire et commercial. Ces derniers ont demandé à participer à la procédure pénale en qualité de demandeurs au pénal et au civil, après que leurs données personnelles, récoltées en Suisse et protégées par le secret bancaire, se sont retrouvées entre les mains des autorités italiennes.

Les clients en question sont des personnes physiques domiciliées en Italie qui reprochent à Credit Suisse sa négligence dans l'exécution de son mandat pour violation du secret bancaire, et pour ne pas leur avoir communiqué que leurs données avaient été transmises en Italie, a signalé Emanuele Verda, représentant légal de plusieurs plaignants, contacté par AWP.

Il a ajouté que Credit suisse a désormais jusqu'au 23 septembre pour recourir contre la décision de l'autorité tessinoise. Sollicitée lundi, la banque aux deux voiles n'était pas disponible dans l'immédiat pour commenter l'information.

"Les clients ont déposé avec la plainte pénale une liste d'actes d'instruction auxquels procéder, notamment la demande d'entraide judiciaire au parquet milanais", a précisé l'homme de loi. "Ce qui reste à découvrir c'est par qui, comment et pourquoi les données confidentielles des clients de la banque ont été transmises en Italie", où elles ont été récupérées par les autorités pénales et fiscales.

Le préjudice civil équivaut à la différence entre les sommes réclamées par le fisc transalpin et le montant, "largement inférieur" dont les clients auraient dû s'acquitter s'ils avaient été en mesure de participer à temps au programme d'auto-dénonciation (voluntary disclosure) mis en place par les autorités italiennes.

PLUSIEURS MILLIONS DE DOMMAGES

"Pour les clients, il s'agit d'un dommage compris entre environ 100'000 jusqu'à plusieurs millions d'euros", indique Emanuele Verda. En avril, son confrère Paolo Bernasconi n'avait pas souhaité préciser le nombre de clients de Credit Suisse qui s'étaient adressés à lui, mais avait évoqué des créances de 50'000 CHF à plus d'un million.

Un article publié la semaine dernière dans les colonnes du quotidien économique italien "Il Sole 24 Ore" mentionne un possible accord avec les autorités milanaises comprenant notamment le paiement d'une amende avoisinant les 100 mio EUR.

"En Suisse, il est encore tôt pour faire une appréciation, il y a beaucoup de clients qui ne se sont pas encore annoncés", estime M. Verda. Selon lui, la banque risque de voir sa responsabilité pénale engagée si elle n'est pas en mesure d'imputer les faits incriminés à une personne physique déterminée du fait de son manque d'organisation.

"Credit Suisse risque une amende pouvant atteindre 5 mio CHF, ce qui est toutefois bien limité par rapport aux intérêts en jeu: la banque pourrait en tout cas éviter une condamnation moyennant un accord économique avec les plaignants, qui permettrait au ministère public d'abandonner les poursuites", précise l'avocat tessinois.

Et de rappeler qu'une procédure est également en cours au niveau fédéral pour espionnage économique, mais que le Ministère public de la Confédération (MPC) n'a pas encore décidé s'il allait y donner suite, dans l'attente des développements de l'enquête tessinoise.

buc/fr