L'opérateur allemand réalise environ un tiers de son chiffre d'affaires et 20% de son bénéfice d'exploitation aux Etats-Unis mais il estime que T-Mobile US ne dispose pas de la masse critique, des fréquences et des capitaux suffisants pour tenir son rang face aux deux leaders du marché, AT&T et Verizon Communications.

Il tente donc depuis fin 2011 de vendre sa filiale mais s'est heurté à deux reprises à l'opposition des autorités américaines de la concurrence, qui souhaitent le maintien de quatre grands opérateurs sur le marché.

Mercredi, l'action Deutsche Telekom a perdu jusqu'à 5% après la décision de Sprint de renoncer à son projet de rachat de T-Mobile US.

Jeudi, le président du directoire Tim Hoettges a laissé la porte ouverte à un éventuel désengagement du marché américain.

"Nous avons toujours dit que nous serions ouverts à des offres pour T-Mobile US qui permettraient d'améliorer sa situation et celle de ses actionnaires", a-t-il dit lors d'une téléconférence. "Pour l'instant, nous ne disposons pas d'une offre qui répondre à ces critères."

Ces propos reviennent indirectement à rejeter l'offre du français Iliad, propriétaire de Free, qui se dit prêt à payer 33 dollars par action T-Mobile US pour 56,6% du capital.

Une source proche d'Iliad a déclaré jeudi que le groupe envisagerait une éventuelle amélioration de son offre mais qu'il souhaitait au préalable discuter avec Deutsche Telekom pour mieux cerner ses attentes.

ILIAD POURRAIT AMÉLIORER SON OFFRE

L'évolution de la position d'Iliad dépendra notamment de l'éventuelle apparition d'un nouveau prétendant et de la capacité du français à convaincre Deutsche Telekom qu'il peut gérer plus efficacement T-Mobile US, a ajouté cette source.

A la Bourse de Francfort, l'action du groupe allemand gagnait 0,43% à 11,5850 euros vers 14h20 alors que l'indice Stoxx européen du secteur abandonnait 0,4%.

Les analystes financiers estiment que T-Mobile US, quatrième opérateur allemand, aura besoin de cinq à 10 milliards de dollars pour tenter d'acquérir les meilleures fréquences que Washington prévoit de mettre aux enchères l'année prochaine, et de quelques milliards supplémentaires pour moderniser son réseau afin de pouvoir offrir à ses clients une qualité de service et un débit à la hauteur de ceux de ses rivaux.

Tim Hoettges devrait réclamer aux autorités américaines une modification des conditions de ces enchères, y compris la possibilité de réserver certaines fréquences à T-Mobile US.

"Aux Etats-Unis, nous sommes dans une situation où les deux plus gros opérateurs accaparent plus de 100% du cash-flow du marché", a-t-il dit. "Si la consolidation n'est pas souhaitée, les régulateurs doivent aider les plus petits opérateurs à renforcer leur position."

Il a aussi mis en avant la dynamique commerciale favorable dont bénéficie actuellement T-Mobile US.

"Nos activités aux Etats-Unis sont excellentes, elles sont en croissance organique", a-t-il dit. "Pour l'instant, nous n'avons reçu aucune offre (pour T-Mobile US) qui nous assure de meilleures perspectives de croissance que celles que nous avons actuellement."

T-MOBILE MOTEUR DES PROFITS DU GROUPE

Le groupe allemand a publié un excédent brut d'exploitation (EBE, Ebitda) trimestriel supérieur au consensus, grâce entre autres à une hausse des bénéfices de ses activités américaines, qui a compensé l'impact d'investissements massifs engagés dans ses réseaux en Allemagne.

L'Ebitda, hors exceptionnels, ressort à 4,43 milliards d'euros au deuxième trimestre, alors que le consensus Reuters le donnait à 4,35 milliards.

Après des années de pertes et le rachat de son concurrent MetroPCS, T-Mobile US est en effet devenu l'un des rares foyers de profits du groupe allemand.

Avec 50,5 millions de clients, la filiale américaine est désormais plus grosse que la division allemande du groupe, qui en compte 39,3 millions. Quant à son chiffre d'affaires moyen par utilisateur (ARPU), il a atteint 26 euros par mois au deuxième trimestre, contre 14 euros pour les activités allemandes.

Les investisseurs craignent cependant une guerre des prix sur le marché américain, pratiquement saturé.

En Allemagne, Deutsche Telekom est confronté à Vodafone, le numéro deux local, qui a racheté Kabel Deutschland pour développer son offre en haut débit. Les troisième et quatrième, Telefonica Deutschland et E-Plus, filiale de KPN, ont reçu le mois dernier l'autorisation de fusionner.

"Jusqu'à présent, notre stratégie a consisté à faire des investissements à la fois hardis et prudents, dans le but avant tout d'augmenter le nombre d'abonnés, puis le chiffre d'affaires et les résultats ; nous commençons à en recueillir les fruits", a dit Tim Hoettges.

L'opérateur anticipe toujours pour 2014 un Ebitda hors exceptionnels stable autour de 17,6 milliards d'euros. Il prévoit également un "free cash flow" en baisse à 4,2 milliards d'euros environ en raison de la hausse des investissements.

(Avec Leila Abboud à Paris, Wilfrid Exbrayat, Benoît Van Overstraeten et Marc Angrand pour le service français, édité par Dominique Rodriguez)

par Harro Ten Wolde