Le rapprochement des activités de serveurs de Dell et des divisions d'EMC spécialisées dans le stockage et la virtualisation permettra au nouvel ensemble de disposer d'une gamme de produits et services élargie, afin de mieux concurrencer IBM, Cisco et Hewlett-Packard dans les domaines de l'informatique dématérialisée ("cloud"), de la mobilité et de la cybersécurité.

"Je ne crois pas que Dell et EMC pouvaient survivre seuls à long terme: ils avaient vraiment besoin l'un de l'autre", a commenté Eric Johnson, doyen de l'Owen School of Management à l'université Vanderbilt. "Dell était majoritairement tourné vers le grand public, un marché horrible. EMC disposait de produits pour les entreprises mais manquait d'une offre complète."

L'opération valorise EMC à 33,15 dollars par action, en prenant pour base le cours de clôture de vendredi. L'action EMC perdait 0,5% à 27,72 dollars à Wall Street en matinée.

Dell, numéro trois mondial du PC, propose 24,05 dollars en numéraire, ainsi qu'un "tracker", un titre qui répliquera l'évolution du cours de Bourse de VMWare, la filiale de logiciels de virtualisation d'EMC, laquelle demeurera une entité indépendante et cotée.

L'action VMWare chutait de près de 10% à 70,85 dollars.

"Le rapprochement de Dell et d'EMC crée un géant des solutions pour les entreprises", a déclaré Michael Dell, qui sera le président-directeur général du nouveau groupe.

Le conseil d'administration d'EMC a approuvé l'accord de fusion et compte recommander aux actionnaires du groupe de valider l'opération.

UN MODÈLE DE "GUICHET UNIQUE" CRITIQUÉ

"Dell veut devenir l'ancien IBM: un guichet unique pour les entreprises clientes. Ce modèle ne tient plus depuis plus de 20 ans et ce serait vraiment une gageure pour Dell de le remettre à l'honneur", a réagi Erik Gordon, professeur de l'Université du Michigan.

L'accord de fusion permet à EMC de solliciter d'autres offres pendant une période de deux mois et prévoit aussi qu'il verse à Dell une indemnité de rupture s'il fait affaire avec un autre candidat à son rachat, comme l'avait rapporté Reuters dimanche.

Même si IBM, Cisco Systems, Oracle et Hewlett-Packard peuvent en principe être intéressés par EMC, il est fort peu probable qu'ils surenchérissent, ont dit à Reuters des sources au fait du dossier.

"Nous pensons que c'est une bonne chose pour les actionnaires d'EMC, qui ont connu quelques années cauchemardesques de croissance au ralenti et de stratégie fédératrice dépassée", commente Daniel Ives, analyste de FBR Capital Markets.

Le fonds spéculatif Elliott Management, qui possède 2,2% du capital d'EMC et qui réclamait une scission de la société, a salué l'accord passé avec Dell et estime lui aussi que c'est ce qui pouvait arriver de mieux aux actionnaires.

"Elliott se félicite de participer à l'ascension potentielle de VMWare par le biais du 'tracker', qui s'appuiera sur des substantielles synergies par le biais de l'organisation de Dell et jouira d'une liquidité bien plus ample que n'en bénéficie l'action VMWare actuellement", a dit Jesse Cohn, un manager d'Elliott.

Outre l'émission de "trackers", l'opération sera financée par des capitaux apportés conjointement par Michael Dell, MSD Partners, Silver Lake et le fonds souverain de Singapour Temasek, ainsi que par de la trésorerie disponible et de la dette.

Standard & Poor's a confirmé la note BB+ de Dell, avec une perspective stable, tandis que celle d'EMC était placée sous surveillance avec implication négative.

(Avec Abhirup Roy et Devika Krishna Kumar à Bangalore, Myriam Rivet et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Angrand)

par Greg Roumeliotis et Jim Finkle