(Actualisation: précision sur la participation de l'Etat au capital d'Engie, déclarations d'un porte-parole de la Commission et d'un représentant de Bercy, actualisation du cours de Bourse)

La Commission européenne a annoncé lundi avoir ouvert une enquête "approfondie" à l'encontre de GDF Suez, devenu depuis Engie (>> Engie S.A.), concernant le traitement fiscal accordé par le Luxembourg au groupe énergétique, détenu à 32,8% par le gouvernement français.

"La Commission craint que plusieurs décisions fiscales anticipatives émises par le Luxembourg aient potentiellement conféré à GDF Suez un avantage injustifié par rapport à d'autres sociétés", a expliqué l'institution dans un communiqué.

L'enquête porte sur deux emprunts convertibles en actions à taux zéro réalisés en 2009 et en 2011 entre plusieurs sociétés d'Engie basées au Luxembourg. Selon la Commission, les deux transactions financières ont été traitées d'un point de vue fiscal à la fois comme des emprunts et comme des prises de participation.

"Ce traitement fiscal entraîne de toute évidence une double non-imposition, du côté des prêteurs et des emprunteurs, de bénéfices générés au Luxembourg", a expliqué Bruxelles.

Engie coopérera à l'enquête

L'ouverture d'une enquête ne signifie pas qu'une décision contre Engie sera faite, a réagi lundi une porte-parole du groupe. "Engie va coopérer pleinement avec la Commission", a-t-elle ajouté.

Le groupe est très présent au Luxembourg où il emploie environ 300 personnes, principalement dans les services énergétiques. Engie dispose d'une salle de marché spécialisée dans le domaine de l'énergie dans la ville de Luxembourg.

La Commission n'a pas donné d'indication sur les montants en jeu dans cette affaire. Un porte-parole de l'exécutif européen, Ricardo Cardoso, a seulement déclaré que ce point ne serait clarifié que lorsque la Commission aurait reçu davantage d'informations de la part du groupe et des autorités luxembourgeoises.

De son côté, la porte-parole d'Engie n'a pas souhaité donner le montant des impôts payés par le groupe au Luxembourg depuis 2008, ni celui des bénéfices réalisés dans le pays.

Le ministre français des Finances, Michel Sapin, n'a pour l'heure fourni aucun commentaire spécifique sur l'enquête visant Engie, mais a déjà déclaré à plusieurs reprises que les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, devraient payer des impôts dans le pays où elles dégagent des bénéfices, a indiqué lundi un représentant du ministère.

Le ministre des Finances du Luxembourg a pour sa part réagi en affirmant qu'Engie n'avait bénéficié d'aucun traitement avantageux. Le pays fournira à la Commission européenne toutes les données nécessaires à son enquête, a-t-il indiqué.

Ricardo Cardoso a démenti que l'annonce de l'ouverture d'une enquête sur Engie ait été orchestrée de manière à coïncider avec la visite outre-Atlantique de Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la Concurrence.

"Nous veillerons toujours à ce que les règles sur les aides publiques soient respectées par toutes les entreprises, qu'elles soient basées en Europe ou aux Etats-Unis, ou n'importe où ailleurs", a-t-il assuré.

D'autres multinationales dans le collimateur de Bruxelles

L'enquête sur Engie intervient alors que la Commission européenne a demandé fin août à l'Irlande de récupérer environ 13 milliards d'euros d'avantages fiscaux accumulés par Apple (>> Apple Inc.), une décision qui a intensifié la querelle entre l'Union européenne et les Etats-Unis au sujet des enquêtes fiscales menées dans l'UE sur des groupes américains.

Bruxelles poursuit par ailleurs ses enquêtes sur les accords fiscaux conclus par Amazon.com et McDonald's avec le Luxembourg. Amazon a précédemment indiqué qu'il ne bénéficiait d'aucun traitement particulier de la part du pays, tandis que McDonald's a indiqué qu'il se conformait à toutes les règles et législations fiscales en Europe.

Outre Engie, d'autres entreprises européennes se trouvent également dans le collimateur de la Commission, dont Fiat Chrysler Automobiles. Le constructeur automobile italo-américain doit rembourser 30 millions d'euros d'impôts.

L'action Engie a clôturé lundi en hausse de 1,3% à 13,75 euros.

-Blandine Hénault, Laurence Norman et Inti Landauro, Dow Jones Newswires; +33 (0)1 40 17 17 53; blandine.henault@wsj.com ed: ECH - VLV

(Gabriele Steinhauser a contribué à cet article)

(Version française Maylis Jouaret, Emilie Palvadeau)

Valeurs citées dans l'article : Engie S.A., Apple Inc.