"Vous venez de publier vos résultats semestriels. Pourriez-vous dans un premier temps nous livrer quelques commentaires ?
Ce premier semestre s’est révélé positif pour notre société, tant sur le plan de la croissance du chiffre d’affaires que sur celle des résultats. Le chiffre d’affaires ressort en effet en hausse de 4,7% alors que le PIB de la zone euro n’a progressé que de 0,8% sur la même période et le résultat d’exploitation des sociétés consolidées en intégration globale a, lui, augmenté de 21%. Nous avons investi près de 600 millions d’euros à travers treize opérations, cinq réalisées par Eurazeo et huit opérations effectuées par nos participations. Notre actif net réévalué connait enfin une progression de 27% sur 12 mois.

Comment expliquez-vous le contraste entre la bonne trajectoire de votre ANR et les pertes enregistrées à l’issue des six premiers mois de l’année ?
Pour une société d’investissement comme la nôtre, les règles comptables ne prennent en compte la création de valeur des actifs composant le portefeuille qu’au moment où ils font l’objet d’une cession. Lorsque nous acquérons un actif, celui-ci ne génère pas de profits dans les comptes au fur et à mesure qu’il prend de la valeur. Compte-tenu de l’absence de cessions significatives sur le semestre --à l’exception d’une partie de notre participation dans Rexel- nous avons peu généré de plus-value. C’est ce que reflète le résultat net de -93M€ sur la période. A l’inverse, l’actif net réévalué, intègre la performance opérationnelle solide de nos sociétés depuis le début de l’année.

Quels principaux évènements ont rythmé l’activité d’Eurazeo ces six premiers mois de l’année ?
Eurazeo a annoncé deux prises de participations importantes dans Desigual et dans Asmodée, un acteur majeur de la distribution de jeux de société qui publie un accroissement de son chiffre d’affaires de 48% sur le semestre. L’investissement de 285 millions d'euros dans Desigual est le plus important investissement depuis l'entrée au capital de Moncler en juin 2011.
Nous avons, par ailleurs, annoncé l’acquisition de Colisée, quatrième gestionnaire français de maisons de retraite pour une somme de 70 millions d'euros.

Comment expliquez-vous cette dernière opération ?
Nous avons bâti notre modèle d’investissement sur la recherche de la croissance en vue de créer de la valeur pour nos actionnaires. Il s’appuie sur plusieurs tendances de fond que nous jugeons intéressantes. Une de ces tendances est le vieillissement de la population et le secteur des maisons de retraite est particulièrement lié à cette thématique. D’où notre investissement dans Colisée qui fait suite à l’acquisition récente d’Ideal Residences.

Pourriez-vous nous rappeler vos autres tendances de fond ?
Les autres tendances de fond sur lesquelles nous travaillons sont le développement du pouvoir d’achat dans les pays émergents ; l’évolution de certains modes de consommation ; les problématiques de santé ; les enjeux liés à l’environnement et à la rareté des ressources naturelles.

Vous avez choisi de vous désengager du groupe de distribution de matériel électrique Rexel. Vous ne détenez plus que 7% du capital. L’idée est-elle de sortir totalement de la société dans un proche avenir ?
Notre sortie interviendra lorsque nous jugerons que la valorisation des titres reflète les fondamentaux de la société. Nous n’avons pas déterminé de calendrier à ce jour.

En termes de perspectives avez-vous avancé des lignes directrices pour l’ensemble de l’année ?

Sur les sociétés que nous avons rachetées ou dans lesquelles nous avons décidé d’investir ces quinze derniers mois, nous visons une création de valeur de 15% par an en moyenne pour les cinq ans à venir.

Vous réfléchissez à une éventuelle introduction en bourse de deux de vos sociétés, Elis et Europcar. Quand pourraient se dérouler ces introductions ?
Nous travaillons d’ores et déjà sur l’opération d’Elis. Si les conditions de marché sont réunies, celle-ci pourrait voir le jour avant la fin de l’année. S’agissant d’Europcar, l’introduction ferait totalement sens pour la société. Pour des raisons de saisonnalité, il est préférable d’attendre la publication des chiffres du troisième trimestre, tenant compte de la période estivale, pour optimiser le succès de l’opération. Celle-ci ne pourrait donc pas intervenir avant le premier semestre 2015.

Qu’entendez-vous par « si les conditions de marché sont réunies » ? Quel est votre sentiment à ce jour par rapport à ces conditions ?
Les investisseurs viennent juste de rentrer de vacances. Il est encore tôt pour répondre à la question. De plus, la configuration peut changer quasiment d’une semaine à l’autre. Il nous faut saisir la bonne fenêtre d’opportunité. Nous avons pu observer qu’à la fin du deuxième trimestre les comportements étaient plus prudents et plus sélectifs qu’au début du premier trimestre. A minima le marché devrait rester vigilant. Il ne sera pas possible de vendre n’importe quoi à n’importe quel prix, ce qui est une bonne chose pour Elis, un « métronome » de la croissance rentable. La société n’a jamais fait état d’un chiffre d’affaires inférieur à l’année précédente en 44 ans. Elle offre ainsi une excellente visibilité. Si l’appétit est au rendez-vous, Elis devrait être un actif susceptible d’attirer l’attention des opérateurs.

Elis et Europcar font partie des plus longues détentions d’Eurazeo. Des discussions ont-elle déjà lieu sur la fin de l’accompagnement de ces deux sociétés ?
Etant une société d’investissement et non un fonds d’investissement, nous utilisons nos propres ressources, l’argent qui se trouve dans le bilan d’Eurazeo. Nous ne voulons par ailleurs ne pas avoir de dette structurelle. Nous ne sommes en conséquence jamais en situation de devoir vendre un actif pour honorer nos engagements. Nous conservons totalement la maitrise du timing de nos sorties ce qui nous donne la possibilité d’assurer un accompagnement dans la durée des sociétés sur lesquelles nous misons pour soutenir leur développement et leur création de valeur.

Le fait que ces détentions soient parmi les plus longues ne suppose pas des cessions prochaines. En d’autres termes, même si une introduction en bourse devait avoir lieu, nous demeurerions un actionnaire de référence.

La trésorerie nette est de 362,9 millions d'euros à fin juin, ce qui vous laisse une marge de manœuvre encore significative. Etes-vous en mesure de donner plus d’indications sur d’éventuelles opérations de croissance externe additionnelles ? Pourrait-on atteindre un nombre similaire à celui du premier semestre ? Qu’en est-il en termes de secteurs et de géographies ?
Nous travaillons en permanence activement sur plusieurs dossiers que nous considérons attractifs. Nous étudions souvent ces dossiers pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Moncler par exemple a été une société que nous avons commencé à examiner quatre ans avant d’entrer dans le capital. Pour Desigual, il s’est écoulé plus d’un an et demi entre nos premières discussions avec l’actionnaire et le closing de la transaction. Il n’est pas exclu que certaines opérations débouchent d’ici la fin de l’année. Cependant dans notre domaine tant que l’encre n’est pas sèche, rien n’est fait.
L’implantation géographique n’est pas pour nous le principal critère. Les secteurs représentés sont diversifiés : l’industrie, les marques globales - que ce soit dans la mode ou dans l’alimentation - etc.

Dernièrement les analystes de Société générale ont relevé leur conseil de "conserver" à "acheter" sur le titre Eurazeo, pretextant le fait qu’il existe une décote excessive par rapport à l’ANR… Qu’est ce que cela vous inspire ?
La décote s’est de nouveau creusée pendant l’été. Entre le 30 juin et le 18 août, Eurazeo a perdu 7% en dépit de la bonne croissance de certains comparables de nos titres non cotés. Les deux principaux comparables d’Elis Berensen et Rentokil ont gagné 11% et 12% sur la même période, tandis que les deux principaux comparables d’Europcar Hertz et Avis ont crû de 11% et 16%. Il y a une nette déconnexion qui s’est accentuée entre la valeur des actifs sous jacents et la valeur du titre Eurazeo qui conduit à une décote de l’ordre de 43% sur nos actifs non cotés.
Il faut ajouter à ce cela que situation financière de la société est très solide.
Il y a pour toutes ces raisons très probablement un point d’entrée attractif pour les actionnaires.

Quels sont les principaux risques identifiés ?
Aujourd'hui, nos problématiques sont plus positives que négatives. Elles sont de savoir comment nous allons profiter au mieux du potentiel de nos sociétés, comment faire jouer de la manière la plus efficace possible les leviers de croissance externe ou les développements internationaux.

Un dernier mot pour vos actionnaires ?
Nous avons une politique de distribution du dividende en augmentation régulière. Le taux de croissance moyen sur les dix dernières années est de 10% par an. Notre distribution n’a jamais baissé même pendant la crise. Nous avons une part importante d’actionnaires individuels entre 15% et 20%, beaucoup plus que la moyenne du Cac 40. Nous nous efforçons de répondre aux préoccupations de ces actionnaires par le biais de plusieurs évènements et lettres. Enfin, du fait de la décote, nous n’hésitons pas à avoir recours à des programmes de rachat d’actions, ce qui est relutif pour nos actionnaires.
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