Il y a quelques années, un bureau d'études dont nous tairons le nom avait classé les opérateurs satellitaires au rang de sanctuaire ("safe haven"), pour la visibilité largement supérieure à la moyenne qu'ils offraient sur leurs résultats futurs et pour leurs gros coupons. Nous tairons d'autant plus son nom que nous avons longtemps souscrit à cette analyse. Mais ça, c'était avant que cette belle mécanique ne déraille. Au cours des derniers trimestres, les sociétés du secteur ont surtout brillé par leurs avertissements et par une prudence accrue des investisseurs sur les modèles économiques. Il n'y a pas péril en la demeure, car les SES et autres Eutelsat sont toujours des machines fort rentables, mais le marché n'est plus prêt à payer une prime aussi élevée que par le passé, faute d'une moindre visibilité.

En parallèle, des éléments exogènes ont aussi pesé sur la tendance. Les contraintes budgétaires des Etats, gros consommateurs de ressources satellitaires, l'irruption de nouveaux acteurs plus agiles, l'innovation ou les craintes d'émancipation technologique de secteurs clefs, comme celui des médias… La liste est longue. Le secteur a longtemps fonctionné de façon oligopolistique, ce qui n'est plus vraiment le cas.
 

Les deux représentants du secteur cotés à Paris sousperforment largement depuis 2016

La défiance vis à vis du secteur est forte

Pour en revenir à Eutelsat, la publication du troisième trimestre 2017/2018 crée un doute sur les objectifs 2018, alors que le groupe avait déjà révisé en baisse ses attentes auparavant. Quelques éléments positifs sont à noter, tempère Nick Dempsey, qui suit le dossier chez Barclays, comme la dynamique africaine, une "contribution décente" des contrats gouvernementaux à venir et une stabilisation de la vidéo. Mais tout cela est assombri par la déception généralisée sur la croissance organique 2018. Dempsey abaisse de -2,4% à -3,5% sa projection d'évolution. La publication crée des doutes sur les perspectives de croissance à venir et pousse la banque britannique à adopter des multiples plus modestes, ce qui conduit à réduire l'objectif de cours de 20,10 à 18,30 euros, pour une recommandation toujours à "pondération en ligne". Un discours de prudence qui a tendance à se multiplier chez les professionnels de la finance.