New York (awp/afp) - Les autorités américaines pourraient opposer leur veto à la fusion à 85,4 milliards de dollars en cours d'examen entre l'opérateur télécoms AT&T et le groupe de médias et de divertissement Time Warner (CNN, HBO et studios Warner Bros).

Le département de la Justice (DoJ) envisage de s'opposer à cette transaction, indique jeudi le Wall Street Journal.

Ce veto prendrait la forme d'une plainte déposée devant un tribunal, comme le veut la procédure antitrust américaine, afin de demander à un juge de valider les arguments du ministère.

Le magistrat peut décider de suivre le DoJ ou alors le déjuger au terme d'un procès au cours duquel les deux parties défendent chacune leurs positions. Il revient notamment au régulateur de prouver que l'opération va nuire à la concurrence.

Le ministère n'a toutefois pas encore pris sa décision finale et il n'est pas exclu qu'il y ait un accord avec AT&T, avance-t-on de même source.

Les responsables du ministère ont rencontré ces dernières semaines des dirigeants d'AT&T pour leur faire part de leurs réticences.

Contacté par l'AFP, le DoJ n'a pas répondu dans l'immédiat.

"Quand le DoJ examine une transaction, il est normal et attendu que les deux parties se préparent à tous les scénarios possibles", a déclaré à l'AFP une porte-parole d'AT&T. "Pendant plus de 40 ans, les fusions verticales comme celle-ci ont toujours été approuvées parce qu'elles bénéficient aux consommateurs (...) Si nous ne commentons pas nos discussions avec le DoJ, nous ne voyons aucune raison légale ou factuelle qui ferait que cette transaction en soit l'exception", a-t-il ajouté.

- Time Warner dévisse -

A Wall Street, le titre Time Warner perdait 5,87% à 92,59 dollars vers 16H00 GMT, tandis que l'action AT&T reculait de 1,34% à 33,10 dollars.

Une action judiciaire du DoJ ne signifie pas pour autant que cette fusion ne se fera pas. Elle apparaît souvent comme un moyen de pression sur les entreprises pour qu'elles acceptent les concessions exigées par les régulateurs.

Lors des dernières années, le DoJ a multiplié les offensives de ce type contre des opérations de grande envergure.

Ce fut le cas en juin dernier lorsque le ministère a déposé une plainte contre la fusion à 32 milliards de dollars de la division de services pétroliers de General Electric (GE) avec Baker Hughes, qui développe des équipements destinés au forage de puits pétroliers.

Cela n'a pas empêché l'opération d'être finalisée un mois plus tard, après que les deux entreprises aient accepté de céder des actifs.

AT&T avait annoncé en 2016 racheter Time Warner pour créer un mastodonte avec plus de 142 millions d'abonnés mobiles, acteur important dans la diffusion télévisée payante via DirectTV, et un groupe de média disposant d'un catalogue de contenus recherchés dans le sport, le cinéma et les séries télévisées et également prépondérant dans la vidéo en ligne.

Ce rapprochement est censé être finalisé d'ici la fin de l'année mais le président Donald Trump avait fait savoir durant la campagne électorale que son administration s'opposerait à ce mariage.

Les dirigeants d'AT&T et Time Warner ont toutefois affiché récemment leur confiance quant à l'obtention du feu vert des autorités de la concurrence, en expliquant que la fusion bénéficierait aux consommateurs car elle entrainerait une baisse des prix des abonnements TV.

"Nous pensons que les avantages (pour les consommateurs) sont substantiels. Ils vont avoir plus de choix et d'options à prix concurrentiels", avait affirmé en décembre dernier Randall Stephenson, le PDG d'AT&T lors d'une audition au Congrès américain.

Mais les opposants au mariage, comme l'organisation de protection des consommateurs Public Knowledge, redoutent qu'elle limite l'accès des concurrents aux contenus de Time Warner, notamment aux séries télévisées -- "Game of Thrones", "The Wire" ou encore "Sex in the City" et "Les Sopranos".

Le milliardaire et entrepreneur américain Mark Cuban estime, lui, que ce mariage serait un contrepoids de taille aux géants de la technologie (Google, Apple, Microsoft, Amazon et Facebook) qui sont devenus, selon lui, les "gardiens" des contenus sur internet.

afp/rp