Ambroise Ecorcheville,

Agefi-Dow Jones

Paris (Agefi-Dow Jones)--Les actionnaires de Gemalto (>> Gemalto) sont en droit d'espérer un relèvement de l'offre d'achat -- "amicale" bien que "non sollicitée" -- que le géant français de l'informatique Atos (>> AtoS SE) a annoncé sur le fournisseur de cartes à puce et de solutions de sécurité et d'authentification numériques. Et cela même si ce dernier semble de prime abord bien placé pour l'emporter.

Certes, l'offre d'Atos paraît généreuse. Le groupe dirigé par l'ancien ministre de l'Economie et des finances Thierry Breton propose 46 euros par action Gemalto, ou 4,3 milliards d'euros pour l'ensemble du groupe. Cela représente une prime de 42% sur le cours de clôture du fabricant de cartes à puce vendredi dernier, et de 34% sur son cours moyen des trois derniers mois. Ce montant est également supérieur à l'objectif de cours des analystes, de 41 euros avant qu'Atos sorte du bois.

Une générosité en trompe-l'oeil

Toutefois, l'offre d'Atos pour Gemalto est moins élevée qu'en apparence. En proposant de racheter Gemalto pour 46 euros par action, Atos valorise le groupe 10 fois son excédent brut d'exploitation (Ebitda) anticipé pour 2018. Or "les sociétés de croissance faisant partie de l'univers du paiement électronique en Europe se sont faites racheter cette année sur un multiple moyen valeur d'entreprise sur excédent brut d'exploitation (Ebitda) attendu en 2018 de 14 fois", a fait souligné Oddo BHF.

Par ailleurs, l'offre d'Atos peut paraître d'autant plus faible qu'elle est faite à un moment où Gemalto traverse une passe difficile. Sa valeur en Bourse ne reflète pas nécessairement pleinement son potentiel à plus long terme. Après quatre alertes aux bénéfices en 2017, en raison du déclin de son activité mobile et du passage à vide de son activité dans les paiements, l'action Gemalto évoluait à ses plus bas depuis la fin 2011. Ne serait-ce qu'en début d'année, elle valait tout de même encore plus de 60 euros.

Atos a le sens du timing. Pas seulement parce que le groupe a su profiter d'un moment de faiblesse de Gemalto pour se déclarer. Mais également parce qu'il a dévoilé son offre avant que Gemalto ait pu présenter son nouveau plan stratégique à 3 ans. Malheureusement, cette présentation, qui aurait permis de mieux valoriser le groupe, n'est prévue qu'en mars 2018. Si l'activité de Gemalto dans les mobiles paraît sur le déclin, les difficultés de son activité dans les paiements sont vraisemblablement transitoires, tandis que celles dans l'Internet des objets et la sécurité numérique sont florissantes.

Et encore tout cela ne prend pas en compte les synergies qu'une reprise de Gemalto pourrait générer pour Atos. Le groupe s'est bien gardé de les chiffrer dans son communiqué. Mais il a ultérieurement reconnu les avoir estimés -- en première approche -- aux alentours de 6% du chiffre d'affaires. En comparaison, ING était parti dans ses premiers calculs d'un montant théorique de seulement 2% du chiffre d'affaires. Des économies pourraient être générées dans les achats, l'immobilier, l'informatique, les frais administratifs, a indiqué Atos pendant un déjeuner de presse.

Les arguments d'Atos ne sont pas purement financiers

Face à Gemalto, Atos dispose de nombreux arguments pour l'emporter. Avec une capitalisation de presque 14 milliards d'euros, le groupe est autrement plus puissant financièrement que Gemalto. L'opération paraît pertinente sur le plan stratégique, dans la mesure où les deux groupes semblent complémentaires dans la sécurité numérique, l'Internet des objets et le paiement. D'un point de vue politique, la perspective de la création d'un champion français de la technologie ne peut que séduire. Bpifrance, le fonds souverain français qui détient 8,3% de Gemalto, ne s'y est pas montré insensible. Une position qui rendra difficile toute surenchère de la part d'un groupe étranger.

Mais un rachat de Gemalto par Atos n'est pas encore acquis. En tout cas pas au prix actuel. Premier actionnaire de Gemalto, Bpifrance ne s'est pas prononcé sur l'offre d'Atos. Le fonds souverain s'est souvent présenté en investisseur avisé. Dans ses intérêts comme dans ceux des autres actionnaires du groupe, il lui appartient désormais de le montrer.

- Ambroise Ecorcheville, Agefi-Dow Jones; 01 41 27 47 90; aecorcheville@agefi.fr ed:ECH

Valeurs citées dans l'article : Gemalto, AtoS SE