Il faut vraisemblablement remonter plus de dix ans en arrière pour retrouver une perte d'une telle ampleur : au 3e trimestre (T3) 2015, Royal Dutch Shell a enregistré une perte nette part du groupe de 7,4 milliards de dollars, contre un bénéfice 4,5 milliards un an plus tôt. En cause : 7,9 milliards de dollars d'éléments exceptionnels négatifs essentiellement liés à dépréciations et des charges pour restructuration. L'abaissement du point mort de la major pétro-gazière néerlandaise est en effet toujours d'actualité. En outre, en données ajustées, le groupe demeure bénéficiaire, et surtout le cash-flow résiste bien. Le dividende trimestriel a d'ailleurs été confirmé, de même que le projet de fusion avec BG Group.

A la Bourse d'Amsterdam, l'action Royal Dutch Shell se tassant de 1,1% à 23,9 euros, l'indice AEX 25 ne perdant que 0,2%.

En données ajustées, c'est-à-dire au coût de remplacement des réserves, en excluant les éléments non-récurrents et les variations de juste valeur, le tableau est plus flatteur : 1,8 milliard de dollars de bénéfices au T3, chiffre cependant en baisse de 70%, après - 54% sur neuf mois à 8,9 milliards. Notons que cette fois, l'Aval domine : 8,2 milliards de résultats contre 1,3 pour l'Amont.

Même en données ajustées, l'Amont (exploration-production) a plongé dans le rouge au T3, avec une perte de 425 millions de dollars, même si les profits ajustés de l'Aval (raffinage-distribution) prennent 46% à 2,6 milliards.

Cependant, le cash-flow opérationnel, qui sur neuf mois recule de 31% à 24,4 milliards, baisse moins fortement au 3e trimestre (- 11% à 11,2 milliards). Le dividende trimestriel a d'ailleurs été maintenu à 0,47 dollar par titre.

Le directeur général, Ben van Beurden, insiste sur le fait que ces 12 derniers mois, avec un prix moyen du baril à 60 dollars, les investissements nets autant que le dividende ont été couverts par le cash-flow opérationnel. De plus, le ratio de dette nette sur fonds propre se situait en fin de trimestre à 12,7%, soit deux fois moins environ que celui de Total par exemple.

La direction invoque - euphémisme - 'des charges exceptionnelles substantielles reflétant autant la faiblesse des cours actuels du pétrole que les perspectives de prix du gaz', ainsi que les conséquences des mesures prises pour abaisser le 'point mort'.

Dernièrement, le groupe a notamment annoncé l'abandon d'un projet de forage dans l'offshore dans l'Arctique, au nord de l'Alaska, ainsi que celui d'un projet de sables bitumineux au Canada. D'où des dépréciations sensibles (deux milliards de dollars dans le seul dernier cas).

'Il s'agit de décisions difficiles, mais elles auront aussi des conséquences sensibles', estime M. van Beurden, qui entend faire de Shell un groupe plus rentable : “les coûts du groupe continuent de baisser”, indique-t-il d'ailleurs.

Quid de l'OPE en cours sur BG Group ? Il est toujours question, ajoute-t-il, de boucler l'opération 'début 2016', 'ce qui permettra de recentrer Shell sur des projets moins nombreux, mais plus rentables, tout spécialement en matière d'offshore profond et de gaz'.

Selon les analystes de Bernstein, mêmes en données ajustés, les profits trimestriels ont manqué les anticipations du consensus. Mais Bernstein n'est pas sévère avec Shell : 'il fallait bien que le groupe se sorte des faux-pas stratégiques antérieurs (Alaska, pétroles non conventionnels, sables bitumeux), et ces dépréciations sont un mal nécessaire pour permettre à un groupe doté d'un meilleur profil de coût d'émerger', indique la note de recherche.

De plus, 'le cash-flow, lui, s'est de nouveau révélé plus important que prévu', relèvent les spécialistes. Selon Bernstein, la couverture des investissements et du dividende revendiquée par Shell ces douze derniers mois relève du tour de force : 'cette cible n'est pas visée par les autres 'majors' avant 2017', indique la note.


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