Washington (awp/afp) - Le président américain Donald Trump pourrait considérablement augmenter son influence sur la Banque centrale américaine (Fed) après la démission d'un de ses gouverneurs qui était l'un des principaux architectes des régulations bancaires prises après la crise de 2008.

Daniel Tarullo, gouverneur de la Banque centrale américaine nommé par le président Obama en 2009, a annoncé vendredi qu'il démissionnerait de ses fonctions en avril prochain, soit cinq ans avant la fin prévue de son mandat en 2022.

Artisan prépondérant au sein de la Fed des nouvelles règles qui ont imposé aux banques de conserver davantage de fonds propres pour faire face à des crises, cet ancien professeur de droit a assuré qu'il avait envisagé son retrait avant l'arrivée de l'administration Trump.

"Sa profonde expertise, son jugement irréprochable, ses constats pertinents et son assistance stratégique vont vraiment nous manquer", a déclaré la présidente de la Réserve fédérale, Janet Yellen, dont le mandat arrive lui-même à expiration dans un an exactement.

Le départ de ce gouverneur renforce en tout cas la possibilité pour l'administration Trump d'orienter la régulation dans ce domaine, même si une grande part de celle-ci passe par la législation.

C'est la Banque centrale par exemple qui décide du niveau du coussin de capitaux propres à conserver, du feu vert de la distribution de dividendes quand une banque est faible financièrement ou encore du scénario des tests de résistance. Les grands principes de la régulation bancaire, eux, passent par la loi Dodd-Frank, qui ne pourra être modifiée qu'avec l'aval du Congrès.

- Trois sièges vacants -

La démission de M. Tarullo porte à trois le nombre de sièges de gouverneurs à pourvoir désormais au sein du Conseil d'administration de la Fed qui en compte sept.

"Cela fait une bonne partie du Conseil qui peut être basculé assez rapidement", a indiqué à l'AFP Tim Duy, professeur d'économie à l'Université d'Oregon.

"Cela aura des implications sur comment Donald Trump peut faire de la Fed +la sienne+ mais on a encore peu d'information sur ce que cela signifie pour lui", a-t-il ajouté.

Pour David Wessel, expert à la Brookings Institution, "le président va probablement nommer un responsable de la surveillance bancaire qui pourrait être plus sceptique sur l'importance des régulations que ne l'était Tarullo".

Parmi les noms avancés figure David Nason. Cet actuel dirigeant chez General Electric a été adjoint au secrétaire au Trésor Henry Paulson lorsque, devant la déroute financière de plusieurs banques et établissements de crédit, l'Etat a dû mettre la main au portefeuille pour sauver leur mise.

"Il sera peut-être plus dubitatif que Tarullo sur le mérite de la régulation mais il a été sur le champ de bataille pendant la crise. Il sait ce qu'il peut arriver quand on efface trop de garde-fous", a commenté David Wessel. Ont également été cités, John Taylor, professeur d'économie à l'université de Stanford auteur de la fameuse règle de politique monétaire "la règle de Taylor" et Kevin Warsh, un ancien gouverneur de la Fed, démissionnaire en 2011.

Il est moins sûr que ces futurs changements parmi les gouverneurs modifient vraiment la donne au niveau de la politique monétaire. La patronne de la Fed, Janet Yellen, réputée être du camp des "colombes" qui préfèrent garder des taux bas le plus longtemps possible, reste par sa fonction la force dominante au sein du Comité monétaire (FOMC).

Et malgré ses déclarations incendiaires pendant la campagne électorale sur la "grosse, sale bulle financière" mettant en cause les bas taux d'intérêt maintenus par "cette Janet Yellen", il n'est pas certain que le président Trump s'apprête à nommer des gouverneurs "faucons", pressés de remonter le coût du crédit.

"Je n'ai jamais rencontré de président des Etats-Unis qui réclame des taux d'intérêt plus hauts et je n'ai jamais rencontré de promoteur immobilier qui soit en faveur de taux d'intérêt élevés", rappelle David Wessel en soulignant que le flou règne encore sur les initiatives économiques du nouveau président.

Mais Janet Yellen, qui va répondre mardi et mercredi aux questions des parlementaires américains, devra adapter la politique de son institution aux initiatives budgétaires de la nouvelle administration, tout en composant avec une équipe renouvelée et en attendant une décision sur son propre sort.

afp/rp