PARIS (Agefi-Dow Jones)--Genfit (>> Genfit) est l'un des pionniers mondiaux du traitement de la stéatohépatite non-alcoolique, plus communément appelée NASH. Cette maladie du foie au départ asymptomatique survient chez des patients sans antécédent alcoolique et peut conduire à la cirrhose et au cancer. Liée au diabète et à l'obésité, sa prévalence est en forte progression y compris dans les pays émergents. En l'absence de traitement à ce jour, la maladie ouvre selon les analystes un potentiel de marché de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

S'il estime que le rapport bénéfice/risque d'élafibranor se démarque favorablement de ses concurrents les plus avancés, Jean-François Mouney, président du conseil d'administration et directeur général, souligne dans une interview à l'agence Agefi-Dow Jones que pour percer réellement Genfit doit aussi travailler sur le diagnostic de la maladie, sur d'éventuelles combinaisons avec d'autres entités thérapeutiques et sur le volet pédiatrique. Après avoir levé 180 millions d'euros l'an dernier, le dirigeant explique que l'entreprise doit conserver deux années de visibilité financière devant elle pour avancer dans de bonnes conditions.

La sécurité d'emploi est un facteur clé pour le succès d'un traitement de la NASH, estime le patron de la société biopharmaceutique lilloise. "Maladie chronique, la NASH nécessite un traitement chronique. Les praticiens ne peuvent pas se permettre d'exposer les patients à des effets secondaires qu'on pourrait tolérer dans le cas d'un traitement passager. D'autant que le moindre inconvénient à la prise du traitement va diminuer l'observance et augmenter les risques pathologiques pour des personnes qui ont déjà un passif sur le plan cardiaque et métabolique". En ce sens, Jean-François Mouney estime que la molécule élafibranor bénéficie d'un important avantage concurrentiel.

Résultats en demi-teinte de l'étude GOLDEN-505

Le groupe américain Intercept, également en phase 3, a vu sa capitalisation retomber quasiment à un plancher depuis fin 2013 en raison d'inquiétudes relatives à la sécurité d'Ocaliva, un autre candidat dans la NASH. La Food and Drug Administration a indiqué que depuis l'homologation de la molécule dans une indication de niche, la cholangite biliaire primitive, plusieurs cas d'atteinte grave du foie dont 19 décès avaient été relevés chez des patients. Si certains décès résultent de la maladie elle-même ou de l'absorption de doses excessives, l'agence n'exclut pas que la molécule puisse en tant que telle accroître les dommages causés au foie chez des patients modérément malades.

De son côté Genfit a mené entre 2012 et 2015 la première étude clinique internationale visant la résolution de la NASH. Réalisé sur la base de critères de guérison moins contraignants, l'étude GOLDEN-505 n'avait pas montré de façon statistiquement significative une efficacité supérieure au placebo. L'état de santé de certains patients encore peu atteints s'était amélioré du fait d'un meilleur suivi nutritionnel, même sans la molécule. En revanche, l'essai avait fait apparaître une efficacité significative sur la base des critères plus sévères fixés ultérieurement par l'agence sanitaire américaine et sur les patients les plus atteints. Par ailleurs, le profil de sécurité du médicament est apparu très favorable sur le plan cardiaque ou hépatique.

2020, un horizon "réaliste" pour la demande d'homologation

Pour la phase 3 RESOLVE-IT en cours, conformément aux préconisations actuelles de la FDA, la molécule est testée seulement chez des patients souffrant d'un degré déjà avancé de la maladie. "En médecine, personne n'a le droit de dire que ça va marcher à 100%, mais au vu de l'ensemble des données recueillies jusqu'à présent, je dirais qu'élafibranor a une bonne probabilité de réussite", avance le dirigeant dans la mesure où le traitement de Genfit a déjà montré "sa capacité à faire disparaître complètement le ballooning et à réduire fortement l'inflammation, les critères qui s'appliquent désormais à tout essai, sur des patients d'un score NAS supérieur ou égal à 4". En outre, alors que l'essai précédent comprenait un an de traitement, la phase 3 prévoit 18 mois. Or, plus le patient est traité sur une longue période, plus cela favorise la mise en évidence d'un effet histologique sur les cellules du foie, souligne le PDG.

Le recrutement des 1000 premiers patients, mené dans 260 à 265 centres dans 25 pays différents, devrait être terminé vers la fin du premier trimestre 2018, espère-t-il, ce qui devrait permettre d'obtenir les résultats au deuxième semestre 2019. "2020 nous semble un horizon réaliste pour la demande d'homologation auprès des agences américaine et européenne", estime Jean-François Mouney.

Tandis que cet ultime essai sur la molécule phare de Genfit, conditionnant sa mise sur le marché, focalise l'attention des investisseurs, la société biopharmaceutique mène plusieurs chantiers afin de structurer le futur marché de la NASH.

En complément du traitement, Genfit a développé un algorithme, validé sur les 500 premiers patients de l'étude de phase 3. "Si un industriel spécialisé met d'ici là au point un moyen d'éviter la biopsie, tant mieux, mais sinon nous devons faire en sorte de disposer d'un outil peu invasif pour faciliter le développement du marché". S'il ne souhaite pas commercialiser directement un tel outil, le dirigeant juge indispensable de pouvoir disposer d'un diagnostic in vitro homologué à horizon 2020-2021.

D'autres applications à l'étude, dont la pédiatrie

Affirmant que le potentiel d'élafibranor permet d'envisager une administration de première intention en monothérapie, Jean-François Mouney estime "évident qu'au regard de la grande diversité des profils des malades, on peut rajouter des combinaisons au produit de base pour générer des mécanismes d'action additionnels". Genfit teste ainsi différentes hypothèses de combinaison, tant avec des molécules tierces qu'avec des molécules repérées en interne comme le NTZ, un médicament repositionné étant donné ses capacités anti-fibrotiques.

La biotech travaille également à des applications dans le domaine pédiatrique, après avoir obtenu de l'Agence Européenne des Médicaments (EMA) l'approbation d'un Plan d'Investigation Pédiatrique (PIP) d'élafibranor. Genfit présentera cette année ses avancées dans ce domaine.

Pour poursuivre l'ensemble de ces chantiers, le PDG juge que la société doit disposer à tout moment de deux ans visibilité financière. "Avoir un horizon solide ne peut que profiter aux investisseurs et faciliter nos discussions avec nos partenaires", indique-t-il. S'il juge qu'être coté aux Etats-Unis fait sens à mesure que se rapproche l'horizon de mise sur le marché, Jean-François Mouney ne voit cependant "pas d'urgence" à s'introduire en Bourse outre-Atlantique.

-Guillaume Bayre, Agefi-Dow Jones ; 01 41 27 47 93 ; gbayre@agefi.fr ; ed : ECH

Valeurs citées dans l'article : Genfit