PARIS, 16 janvier (Reuters) - La prolifération des médicaments onéreux et les problèmes qu'elle soulève en termes d'accès aux soins et de soutenabilité financière des systèmes de santé préoccupent l'OCDE, qui suggère de revoir les mécanismes de fixation des prix de l'innovation thérapeutique.

Cette évolution appelle également à une révision des mesures incitatives relatives aux médicaments orphelins, destinés au traitement des maladies rares, selon un rapport remis lundi à Paris dans le cadre d'un forum de l'Organisation de coopération et développement économiques consacré à l'avenir de la santé.

Malgré un impact le plus souvent considérable sur la vie des patients, "les médicaments onéreux n'apportent pas nécessairement un bénéfice thérapeutique proportionné à leur coût", soulignent les auteurs de ce rapport.

"La tendance en oncologie est particulièrement préoccupante à cet égard", relèvent-ils en précisant que les prix de lancement des traitements anticancéreux aux Etats-Unis, ajustés de l'inflation et rapportés à une année de vie gagnée, ont quadruplé en vingt ans pour atteindre 207.000 dollars en 2013.

La situation sur le marché des médicaments orphelins est également qualifiée d'"inquiétante".

Au-delà des traitements innovants dont le prix s'inscrit en décalage avec le service médical rendu aux patients et progresse bien plus rapidement que les coûts de recherche et développement, le coût élevé des innovations thérapeutiques s'avère également problématique pour les médicaments apportant des bénéfices importants.

De nouveaux traitements très efficaces contre l'hépatite C lancés en 2013 et 2014 par Gilead à un tarif très élevé ont ainsi contraint les payeurs à réserver ces produits aux patients les plus atteints, même s'ils avaient tous négocié un prix inférieur à celui de 84.000 dollars proposé par le laboratoire (pour un traitement complet de douze semaines).

Cette situation a fait émerger des interrogations sur le niveau acceptable du prix de l'innovation mais aussi sur l'opportunité de prendre ou non en compte l'impact budgétaire d'un traitement en complément du rapport coût-efficacité, a souligné Francesca Colombo, chef de la division Santé de l'OCDE, lors de la présentation de ce rapport à des journalistes.

Pour gérer l'accès aux médicaments onéreux et leur financement en contrant les stratégies de prix de certains laboratoires, les auteurs appellent à renforcer le pouvoir de négociation des acheteurs, ce qui passe par davantage de coopération et de transparence, y compris entre pays.

Ils suggèrent également de réexaminer les mesures incitatives pour la mise au point de médicaments orphelins. Ces encouragements au développement de traitements destinés à des maladies si rares qu'elles intéressaient traditionnellement peu les promoteurs, ont porté leurs fruits, puisque le nombre de médicaments orphelins ne cesse de progresser.

Mais ils restent parfois inabordables alors même qu'ils bénéficient d'aides publiques et que certains se vendent bien : deux médicaments orphelins figurent parmi les cinquante médicaments les plus vendus au monde.

Des évolutions sont donc nécessaires pour éviter que certaines entreprises n'appliquent "des stratégies de 'saucissonnage', consistant à mettre sur le marché des médicaments aux indications suffisamment étroites pour pouvoir revendiquer une qualification de médicaments orphelins et les vendre au prix fort avant de définir d'autres indications (orphelines ou non)", soulignent les auteurs.

"Il y a une prise de conscience" sur ces sujets, a expliqué à la presse Valérie Paris, qui a participé à la rédaction de ce rapport. "Il y a beaucoup de tensions en ce moment, je crois que les négociations se durcissent", a-t-elle ajouté. (Myriam Rivet, édité par Sophie Louet)