Les spéculations sur un intérêt chinois pour FCA vont bon train depuis la publication la semaine dernière d'un article de la publication spécialisée Automotive News faisant état de l'intérêt d'un "constructeur chinois bien connu" non identifié pour le groupe italo-américain.

"Concernant cette affaire, nous avons l'intention d'acquérir. Nous sommes intéressés (par FCA)", a dit un membre du service de presse ayant requis l'anonymat de Great Wall Motor, premier constructeur chinois de SUV.

L'administrateur délégué de FCA, Sergio Marchionne, est depuis plusieurs années à la recherche d'un partenaire pour le septième constructeur automobile mondial, confronté à la montée des coûts, au durcissement de la réglementation sur les émissions et au défi du développement des nouvelles technologies pour les véhicules électriques et autonomes.

Dans un communiqué, Fiat Chrysler a pourtant déclaré lundi ne pas avoir été approché par Great Wall Motor et privilégier la mise en oeuvre de son actuel plan stratégique sur cinq ans. Son principal actionnaire, la famille italienne Agnelli, s'est abstenue de tout commentaire.

Une acquisition par Great Wall Motor de FCA, dont la capitalisation boursière atteint près de 17 milliards d'euros, représenterait l'une des plus importantes opérations par un constructeur chinois à l'international et dépasserait notamment le rachat de Volvo par Geely en 2010. La capitalisation boursière de Great Wall est quant à elle inférieure à 14 milliards d'euros.

Le constructeur chinois, basé à Baoding au nord-est du pays, a réalisé en 2016 un bénéfice net hors exceptionnels de 10,55 milliards de yuans (1,34 milliard d'euros), en hausse de 30,9%, avec 1,07 million de véhicules vendus et un objectif de 1,25 million pour 2017.

GREAT WALL VEUT DEVENIR N°1 MONDIAL DES SUV

Initialement spécialisé dans les pick-up (modèles Steed et Wingle), dont il revendique un rythme de ventes de 100.000 unités par an, Great Wall a commencé à produire des SUV en 2002.

Automotive News a rapporté lundi que Great Wall avait contacté FCA pour lui faire part de son intérêt pour sa marque Jeep, faisant état d'un courriel du président du constructeur chinois, Wang Fengying.

La publication spécialisée cite un porte-parole de Great Wall selon lequel aucune offre formelle n'a été faite et qu'aucune rencontre avec le conseil de FCA n'a eu lieu.

Deux sources au fait du dossier ont déclaré par ailleurs à Reuters que Great Wall avait sollicité une rencontre avec FCA en vue de lui faire une offre de rachat total ou partiel.

"Notre objectif stratégique est de devenir le plus important constructeur mondial de SUV", a déclaré le porte-parole à Automotive News. "Acquérir Jeep, une marque mondiale de SUV, nous permettrait d'atteindre cet objectif plus rapidement et dans de meilleures conditions."

Une offre chinoise sur FCA serait un initiative audacieuse, selon les analystes, au regard de la forte présence du constructeur aux Etats-Unis et en Europe, deux régions du monde où les investissements chinois dans l'automobile souffrent depuis des décennies de restrictions.

"Il y aura sans doute une opposition politique importante en raison du manque de réciprocité dans l'accès au marché", a estimé Thilo Hanemann, économiste chez Rhodium Group.

Les actifs américains acquis par des groupes chinois font désormais l'objet d'un contrôle renforcé.

FIAT CHRYSLER AU PLUS HAUT DEPUIS 1998 EN BOURSE

L'action FCA a cédé une partie de ses gains initiaux après le communiqué du constructeur italo-américain mais a fini en hausse de 6,92% à 11,44 euros à la Bourse de Milan.

Elle a pris plus de 13% depuis le 11 août et les premières informations d'Automotive News. Le titre a touché lundi matin, à 11,22 euros, son plus haut niveau depuis 1998. L'action Great Wall Motor a clôturé en hausse de 2,95% à la Bourse de Shanghai.

"Jeep est le choix le plus logique puisque (Great Wall) veut devenir le premier constructeur mondial de SUV", a dit Yale Zhang, qui dirige le cabinet de conseil Automotive Foresight, basé à Shanghai.

Le constructeur d'utilitaires Ram pourrait aussi être une option mais "Jeep est une marque mondialement connue. Je pense que Great Wall Motor a une stratégie mondiale et ne vise pas seulement les Etats-Unis", a ajouté Zhang.

En cas d'éclatement, FCA conserverait des marques telles que Fiat, Dodge, Chrysler et Alfa Romeo, mais cela pourrait entraîner d'importantes suppressions de postes dans les usines en Italie qui sont déjà confrontées à une faible demande et des coûts élevés.

"L'idée d'un éclatement est inacceptable", a déclaré Michele De Palma, responsable syndicale chez FIOM.

Si Sergio Marchionne ouvre la porte à la vente de Jeep en tant qu'entreprise autonome, d'autres constructeurs comme Volkswagen, General Motors ou Ford pourraient également montrer un intérêt aux actifs du groupe, selon les analystes.

Le prochain plan stratégique à cinq ans de Fiat Chrysler, qui sera présenté l'année prochaine, pourrait prévoir des cessions d'actifs, a dit Sergio Marchionne à des analystes le mois dernier. Tout en soulignant que des marques comme Jeep, Ram, Maserati et Alfa Romeo pourraient avoir une existence indépendante, il a toutefois semblé écarter la vente pure et simple de l'une d'elles.

Jeep et Ram, les deux marques les plus convoitées de Fiat Chrysler, sont des contributeurs majeurs aux profits du groupe et à ses activités en Amérique du Nord.

Jeep, qui vise des ventes de deux millions de véhicules en 2018 contre 1,4 million en 2016, a été valorisé 23 milliards d'euros, soit une fois et demi la capitalisation de sa maison mère, par Morgan Stanley dans une note récente.

Une acquisition de FCA ou de l'une de ses marques phares serait difficile à financer pour Great Wall Motor mais elle lui permettrait d'accélérer son offensive prévue sur le marché américain, ont dit les deux sources au fait du dossier.

Elles ont ajouté que le constructeur chinois avait élaboré des projets depuis quelque temps en vue de pénétrer sur le marché américain en améliorant la qualité de ses produits et son image de marque.

Great Wall a notamment lancé officiellement cette année sa nouvelle marque "Wei" de véhicules destinés au marché américain, inspirée du patronyme de son dirigeant-fondateur, Wei Jianjun.

(avec Norihiko Shirouzu à Pékin, Brenda Goh à Shanghai, Giulia Segreti à Milan et le bureau de Shanghai, Marc Joanny, Juliette Rouillon et Claude Chendjou pour le service français, édité par Marc Angrand)

par Norihiko Shirouzu et Brenda Goh

Valeurs citées dans l'article : Great Wall Motor Co Ltd, Fiat Chrysler Automobiles