Washington (awp/afp) - Embaucher des fils de dignitaires dans l'espoir de décrocher des contrats: la banque américaine JPMorgan Chase devra verser près de 300 millions de dollars aux Etats-Unis pour solder des accusations de corruption en Chine.

De 2006 à 2013, une filiale hongkongaise du géant bancaire a mis en place un programme spécifique baptisé "fils et filles de" qui lui a permis de décrocher des contrats avec les entreprises publiques chinoises avec, à la clé, des bénéfices de 35 millions de dollars, ont annoncé les autorités américaines jeudi.

"Le programme +Fils et filles de+ n'était rien d'autre que des pots-de-vin sous une autre appellation", a assuré la ministre adjointe de la Justice Leslie Caldwell, dans un communiqué du département de la Justice (DoJ) qui a participé à l'enquête avec le gendarme boursier (SEC) et la Réserve fédérale (Fed).

"Offrir des opportunités d'emploi à des individus non-qualifiés afin d'influencer des responsables gouvernementaux est de la corruption pure et simple", a-t-elle ajouté.

Les régulateurs américains, qui disposaient de courriels échangés entre employés de JPMorgan, avaient notamment été troublés par le recrutement en 2007 de Gao Jue, le fils du ministre chinois du Commerce qualifié pourtant de "pire candidat", avaient confié des sources bancaires à l'AFP.

"JPMorgan s'est engagée dans un schéma de corruption systématique en recrutant des enfants de responsables gouvernementaux et d'autres personnes bénéficiant d'un traitement privilégié qui n'étaient pas qualifiés pour les postes requis", a déclaré Andrew Ceresney, un des responsables de la SEC, cité dans un communiqué.

Première banque américaine en termes d'actifs, JPMorgan Chase avait également employé comme consultante Wen Ruchun, la fille de Wen Jiabao, lorsque celui-ci était Premier ministre de la Chine, avaient ajouté ces mêmes sources bancaires.

Au total, une centaine de fils et de filles de dignitaires chinois ont été ainsi recrutés par JPMorgan en tant que stagiaire ou en tant qu'employés à plein temps, selon les autorités américaines.

Ces recrues disposaient des mêmes grades et salaires que des banquiers d'investissements junior en dépit du fait que beaucoup d'entre d'eux ne réalisaient que des tâches "accessoires" comme des relectures et n'apportaient aucune valeur ajoutée "réelle", assure le DoJ.

- D'autres banques dans le viseur -

Pour solder ces accusations, la banque américaine a accepté de verser au total 264 millions de dollars aux autorités américaines et s'est engagée à améliorer la transparence de ses procédures de recrutement et de lutte contre les pots-de-vin, a assuré la Fed dans son communiqué.

Elle a également promis de continuer à coopérer avec les autorités dont l'enquête se poursuit sur ce dossier.

D'autres grandes banques internationales sont dans le collimateur des autorités américaines pour leurs pratiques de recrutement en Chine, un gigantesque marché convoité avec envie par les grands noms de Wall Street et de l'industrie financière.

Des demandes d'informations ont ainsi été adressées aux banques américaines Goldman Sachs, Morgan Stanley et Citigroup, allemande Deutsche Bank et suisses UBS et Credit Suisse.

Credit Suisse avait ainsi embauché de 1999 à 2001 Wen Ruchun, sous le nom de "Lily Wen", et l'a également payée comme collaboratrice de sa société Fullmark Consultants Limited, selon des sources bancaires.

Quand ces embauches ne servaient pas à décrocher des contrats, elles permettaient de nouer les connexions indispensables pour prospérer sur le marché chinois.

L'accord financier conclu avec JPMorgan, le premier dans le cadre de cette vaste enquête, pourrait servir de modèle aux règlements financiers futurs avec les autres banques impliquées dans ce scandale.

Pour mener leurs investigations, les autorités s'appuient sur la loi anti-corruption FCPA (Foreign Corrupt Practices Act), qui permet de sanctionner des sociétés américaines et celles opérant aux Etats-Unis soupçonnées de verser des pots-de-vin.

afp/rp