Zurich (awp) - Le directeur général (CEO) de Julius Bär, Boris Collardi, a surpris son monde lundi en annonçant son départ et sa nomination comme associé chez Pictet. La banque privée genevoise réussit un joli coup en attirant une personnalité aussi réputée que médiatique. Bernhard Hodler, membre de la direction de Julius Bär depuis près de 20 ans, a repris le flambeau à la tête du gestionnaire zurichois.

Boris Collardi a annoncé son départ au président Daniel Suter dans le courant du week-end. Il a quitté son poste avec effet immédiat et entrera au collège des associés de Pictet à mi-2018, ont annoncé les deux groupes dans des communiqué distincts.

Le désormais ex-CEO a quitté la banque zurichoise pour des raisons personnelles, a déclaré M. Suter lors d'une conférence téléphonique.

Le Vaudois d'adoption avait pris la direction de Julius Bär en octobre 2009. Sous sa houlette, l'établissement a connu un développement galopant, la masse sous gestion passant de 154 mrd à 393 mrd CHF entre décembre 2009 et octobre 2017.

L'arrivée de ce banquier influent constitue un grand moment dans l'histoire récente de Pictet, a indiqué à AWP un porte-parole de la banque genevoise. Cette dernière accueille tous les vingt ans environ un grand nom au sein du collège d'associés, comme ce fut le cas pour Renaud de Planta en 1998 ou Pierre Lardy en 1975.

Cette nomination constitue également un gros coup pour la place financière genevoise dans son ensemble, assure le porte-parole.

CORESPONSABILITÉ DE LA GESTION PRIVÉE

L'ex-CEO de Julius Bär assumera la responsabilité conjointe de Pictet Wealth Management aux côtés de Rémy Best, membre du collège des associés à la tête de cette ligne de métier depuis trois ans. La banque genevoise souhaite que la gestion privée, activité "très exigeante", soit désormais dirigée par deux associés, comme c'est le cas pour la gestion institutionnelle, a expliqué le porte-parole.

En ce qui concerne le développement, le groupe ne précise pas d'objectifs, tout en affirmant que l'arrivée d'un banquier comme Boris Collardi aura des retombées positives sur la collecte d'argent.

Agé de 43 ans, Boris Collardi sera le 42e associé de l'histoire de Pictet - fondé en 1805 - et le plus jeune membre du collège. Le porte-parole de Pictet reconnaît que le changement sera moins important pour le groupe que pour le nouvel associé, qui quittera une société cotée qu'il dirigeait seul pour intégrer un banque indépendante, gérée conjointement avec six autres personnes plus expérimentées.

M. Collardi pourrait rester une, voire deux décennies à ce poste, puisque la durée moyenne de l'engagement d'un associé chez Pictet est de 21 ans. A son arrivée, le collège passera à sept membres. Renaud de Planta, Rémy Best, Marc Pictet, Bertrand Demole et Laurent Ramsey siègent actuellement aux côtés de Nicolas Pictet, associé sénior.

L'intégration au collège est subordonnée à un investissement dans le groupe, dont la nature et le montant ne sont pas précisés. L'établissement genevois souligne toutefois que le banquier a été choisi sur la base de ses compétences et pas de sa faculté à apporter du capital.

SUCCESSEUR MOINS CONNU

Nicolas Pictet se réjouit d'accueillir "un homme de l'envergure et de la réputation de Boris Collardi". Cette nomination intervient à "une époque où les perspectives du wealth et de l'asset management dans le monde n'ont jamais été à la fois aussi prometteuses et présenté autant de défis", explique-t-il dans le communiqué.

Nommé CEO adjoint de Julius Bär en septembre, Bernhard Hodler occupait jusqu'ici la fonction de directeur du risque (CRO). Il est membre du comité exécutif depuis 1998.

Contrairement à son illustre prédécesseur, M. Hodler est moins connu malgré son long engagement auprès de Julius Bär. Bien introduit dans le secteur bancaire, le blog alémanique Inside Paradeplatz affirme que Daniel Sauter souhaitait initialement nommer Barend Fruithof comme successeur de M. Collardi.

En charge de l'entité suisse de Julius Bär et membre du comité exécutif, M. Fruithof a claqué la porte en 2016, suite à un désaccord avec la nouvelle organisation régionale.

Tous les analystes avouent leur surprise face à ce changement à la tête de la banque. Vontobel souligne que M. Collardi rejoint le principal concurrent de l'établissement de gestion.

Baader Helvea abaisse sa recommandation à "hold" de "buy". Le courtier genevois craint que M. Collardi emporte dans ses bagages des talents et des clients. Credit Suisse est plus confiant et affirme que les conditions restent favorables pour Julius Bär.

A la Bourse, le départ de l'emblématique patron a fait plonger l'action et celle-ci a fini lanterne rouge en baisse de 6,39% à 56,40 CHF, dans un SMI en recul de 0,66%.

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